Comment réussir sa vision?
Quelques outils de déploiement
des stratégies processus
Cet article représente un
point de vue partiel (et partial) sur quelques outils
managériaux utiles à tout décideur
intéressé par les processus. Sans parler des multiples et
indispensables offres existantes sur le marché dans ces
domaines, on se cantonnera aux modèles mentaux et outils de type
"couteau suisse", simples d'emploi, mais néanmoins puissants et
souvent incontournables Certaines illustrations
présentées sont volontairement simplistes.
1. Vous avez dit processus?
1.1. Les
processus, un des instruments du déploiement stratégique
Toute entreprise poursuit une finalité,
une vision, son rêve réaliste: Pour certaines
l'innovation, pour d'autres la croissance, le profit, l'image, …etc.
Mais la stratégie n'est pas tout, il faut encore être
capable de la déployer de façon efficace !
Il suffit de voir dans les
"business schools" mondiales, qui enseignent traditionnellement les
grands silos de connaissance – stratégie, finance, marketing,
management humain, globalisation, …., la montée du thème
management des opérations ("Operations Management")
Les instruments du déploiement stratégique
utilisent invariablement 3 leviers clés: les hommes,
l'organisation, les technologies. Il existe dans ces domaines des jeux
entiers de théories, d'innombrables vendeurs et consultants. Y
a–t' il dans cette abondance des concepts plus marquants, plus
pérennes que les autres ?
Si on veut se convaincre de la
"relativité" des concepts, on peut relire avec profit "Critique
de l'efficacité" (Le Mouel 1991 [MOU 91]),
désamorçant ce syllogisme absurde des gourous et des
vendeurs: "ce qui est efficace est vrai, ce qui est vrai est juste".
Voir aussi comment des modèles organisationnels de
sociétés (ABB et le management matriciel, …),
présentés comme "modèles" dans tous les livres de
management il y a 10 ans, sont aujourd'hui abandonnés avec
profit par les sociétés qui les ont promus à
l'époque.
Les pratiques de l'alignement stratégique ( Henderson
et Venkatraman, [HEN 93], Fimbel [FIM 07] )sont issues de cette
réflexion . Aucun des 3 leviers n'est suffisant, c'est
évidemment leur "réconciliation" dynamique qui compte.
Avec l'apparition quasi quotidienne d'une nouvelle technologie, le
temps que prennent les changements organisationnels et plus encore ceux
concernant la culture des hommes, comment maintenir une
cohérence minimale entre la stratégie et ses projets de
déploiement?
Les processus et les méthodes afférentes sont au cœur de
ce débat.
1.2. Liste de
processus, première approche
Peut-on bâtir de façon générique une liste
de processus ?
(Une fois d'accord sur ce
qu'est un processus! Si vous allez voir la "start-up" ou le service
R&D, ils entendront procédés, l'ensemble des
techniques et méthodes qui leur a permis de
développer l'excellence de leur produits et services. En
production, ils vous montreront l'épais recueil des
procédures, décrivant, façon ISO, leurs
mécanismes de qualité. Pour l'entreprise orientée
client, ils adresseront bien les fondamentaux des processus, …etc..)
Une entreprise se doit évidemment d'abord d'écouter
son marché et ses clients, d'inventer le produit/service
correspondant à leur besoins rationnels, voire à leur
désirs latents, de commercialiser son offre et de la vendre, de
fidéliser ses clients, …)
Tout ce cycle est sous l'ombrelle d'un "macro-processus", appelé
traditionnellement par les consultants CRM ("customer relationship
management")
Ne confondons pas ces logos (CRM, …)
vus en tant que macro-processus génériques, et les offres
logicielles commercialisées sous le même logo, dont les
finalités sont souvent différentes: en exemple la logique
CRM est d'abord une logique d'écoute client (philosophie "pull")
alors que beaucoup de logiciels du marché ne visent qu'à
rendre plus efficace le commercialisation (philosophie "push")…
Ensuite, elle doit satisfaire sa promesse: fabriquer son
produit/service, acheter, se fournir, livrer / délivrer,
transporter, facturer, recouvrer, …
On est là globalement sous l'ombrelle du macro-processus SCM
("supply chain management")
Elle doit aussi écouter les bruits faibles du marché,
veiller, décider, … BI ("business intelligence")
Elle doit s'intéresser à ses hommes, à leur
management, à leurs savoirs et compétences: il s'agit du
macro-processus KM ("knowledge management")
Elle doit bien sûr faire tout le reste, gérer au mieux ses
ressources, ses finances, …. Il s'agit alors de "entreprise ressources
planning", d'ERP
( là encore on ne parle pas
ici de logiciels de type ERP, mais de la finalité du
macro-processus ERP, gestion des ressources)
Suivant le secteur économique, d'autres macro-processus
spécifiques apparaissent , spécificités de la
distribution, du trading bancaire, PLM "product line management" dans
l'industrie, …Dans
d'autre secteurs (bancaire, distribution, ...), certains autres
macro-processus spécifiques existent bien sûr...
On voit bien la ressemblance avec la description de la chaîne de
valeur de l'entreprise (M.Porter,
l'avantage concurrentiel, [POR 85]), chacun des
processus contribuant
à la "valeur ajoutée" de l'organisation.

Figure 1. La chaîne de valeur, les verbes
clés de
l'organisation
1.3. Processus et
systémique
La théorie générale des
système ( C'est une
culture à part entière: Pour les néophytes et
comme initiation, lire Le Macroscope de Joël de Rosnay[ROS 75],
puis Théorie du Système Général de Lemoigne
[LEM 77],…)
est incontournable dès que l'on parle processus. Sans
entrer
dans le détail de cette théorie, on sait, dans ce cadre,
qu'un processus est un sous-système de l'entreprise
considérée comme un système. Cela a plusieurs
conséquences:
- Le nombre idéal de sous systèmes à
considérer, doit se situer entre 15 et 40. (Cette règle est valable quelque
soit le point de vue où l'on se situe. Si on est l'entreprise,
on doit considérer une trentaine de processus. Si on dirige une
fonction, à nouveau une trentaine de processus sont à
considérer. Même chose pour un département. Ainsi
les processus peuvent être vus comme un système de
poupées russes, leur nombre et leur nom dépendant
toujours du point de vue…) En dessous de
15, les sous-systèmes trop gros, ils sont tous "indispensables"
et on ne saura jamais celui qui doit être optimisé en
priorité. Au delà de 40, on tombe dans une technocratie
difficile à maîtriser…
- Contrairement au rationalisme de Descartes (Discours de la Méthode) ,
il faut analyser
un organisme, toujours au delà de la somme de ses parties (de
ses processus?), et s'intéresser aux buts, aux objectifs
(téléologie) et non aux liaisons causales du
mécanisme. Ceci a des conséquences sur le temps à
consacrer à l'étude de la finalité des processus,
à leur vrai objectif.
- L'analyse systémique n'est pas "mécaniste". Elle est
"organique". L'entreprise n'est pas qu'une montre dont on peut
optimiser les rouages mais un organisme vivant, plein de
rétroactions, qu'il s'agit suivant les cas de réguler, de
soigner, d'éduquer, d'adapter à son environnement.
1.4. Les processus
en tant que "sous-systèmes" transverses de
l'organisation
La phrase fondamentale (et ancienne, 1988…) de Fischer, ex PDG
de
Motorola et de Kodak reste totalement illustratrice des concepts
modernes de processus: " Les organisations ne sont pas faites pour
servir le client, mais pour préserver l'ordre intérieur.
Pour le client, non seulement la structure interne ne lui est que de
peu d'utilité, mais de plus elle sert souvent de
barrière. L'organisation est verticale, le service au client est
horizontal ".
On visualise bien là les "silos" verticaux et les processus
inter-fonctionnels. Mais, toute motivante qu'elle soit vers les
managements matriciels, la phrase ne suffit pas! Quel système de
management mettre en place pour garder les individus des silos
efficaces (le vendeur vend, le producteur produit, le chercheur
développe, …) et favoriser la transversalité (le vendeur
écoute clients et marché et informe, ….), sans
créer une schizophrénie d'objectifs?
On sait que les processus impliquent un certain management matriciel.
Comment gérer les conflits "naturels" entre les objectifs
des silos et ceux des pilotes de processus? Fréquemment, cela
dépend fortement des rapports de pouvoir entre les acteurs, des
systèmes d'arbitrage structurels prévus,
périodiques et au quotidien.
1.5. Les
organisations matricielles dépassées?
Dans un monde de globalisation, de digitalisation, de
dérégulation ("Unleashing
the killer application" [DOW 98]), est-ce que le modèle
processus
n'est pas dépassé, trop organisé, trop taylorien ?
L'hypercompétition ("Hypercompetition" [AVE 94])
crée par nature une
organisation en réseaux coopératifs, ou toute
activité implique de multiples acteurs, sous-traitants,
partenaires. Les processus ne s'arrêtent plus jamais aux
frontières des entreprises!
Les contours de l'entreprise changent, certaines activités sont
sous-traitées, de nouveaux partenariats noués, on absorbe
de nouvelles activités. Les techniques organisationnelles
classiques, analytiques, sont-elles adaptables à cette nouvelle
société en réseaux? Les processus ont-ils encore
leur rôle dans l'entreprise "agile"?
De plus, les techniques de commercialisation changent. En fonction des
produits/services, on utilisera suivant les cas: les approches
commerciales "face à face", des centres d'appels, des
distributeurs externes ou des achats sur le Web, etc. Qui doit faire
quoi, dans ce cadre et à quel moment? C'est toute la
problématique des "chemins vers le marché (
http://www.the-rtma.com ).
Cela amène naturellement à la notion de processus
"étendus". L'entreprise doit non seulement tracer les
contours de ses processus, mais aussi connaître ceux de ses
partenaires. Dans certains cas, des portions des processus internes
sont sous-traités, ou à l'inverse l'entreprise devient
sous-traitante d'activités. Enfin, de nombreux processus sont
coopératifs, en recherche et développement, en marketing,
….

Figure 2. Processus
étendus, routes to market, co-processus…
Chaque fois que ce genre de phénomène existe, les TIC
(technologies de l'information et de la communication) jouent bien
sûr un grand rôle: e-supply, e-design, e-administration,…,
ce qui complexifie de jeu. De plus, sous-traiter n'implique pas la
suppression de toutes les activités. Il reste des
activités de coordination, impliquant évidemment un
coût de transaction.
2. Techniques de
bases, minimum vital
2.1.
Première priorité: lister les processus de
l'organisation, notion de finalité
Nous avons déjà
évoqué longuement une technique de base pour lister des
processus de l'organisation: à partir des fondamentaux, faire la
liste sous forme de verbes ("facturer les clients",
"délivrer le service", …). Cette liste doit en
général être préparée et
discutée/affinée en comité de direction. Des
listes génériques existent pour chacun des secteurs
économiques, promues par des consultants, on peut avec grand
intérêt s'en inspirer.

Figure 3. Exemple de liste de processus du "domaine"
CRM
(d'après Cap Gemini)
Une fois les processus listés (rappelons que, pour un niveau de
responsabilité donné, leur nombre doit être entre
15 et 40…), on doit se poser la question de leur finalité.
Prenons à titre d'exemple le processus "facturer les clients'.
Quelle est sa finalité? Pour le savoir, il faut
déjà définir clairement le client du processus. Le
client? La direction financière? On voit déjà que
la plupart des processus ont plusieurs clients, qui ont des objectifs
contradictoire: 'facturer le client le plus tôt possible, afin de
faire rentre l'argent au plus tôt" (vision financière) ou
"facturer totalement juste, pour diminuer les réclamations sur
factures"(vision recouvrement) ou "facturer le plus tard possible"
(vision "désir" client), ou "facturer en temps
négocié" (vision commerciale),…etc.…
Le choix de la bonne finalité et sa rédaction est ainsi
une étape clé et politique de la dynamique d'un processus.
2.2.
Deuxième priorité: quelques indicateurs, trop
d'indicateurs?
Efficacité, efficience…
Il faut ensuite définir le ou les indicateurs permettant de
s'assurer que l'on va mettre le processus "sous contrôle", et ce
sera un des objectifs clé du responsable de processus (on
suppose à ce point que le "propriétaire" du processus est
nommé, ainsi que son pilote ). Cet indicateur de finalité
est quelquefois appelé indicateur d'efficacité du
processus (" Est-on arrivé à ce que l’on avait
l’intention de faire, à quel point l’objectif fixé est-il
atteint, ce résultat est-il suffisamment stable?»).
Mais il est évident que le processus doit aussi être
à moindre coût (productivité), diminuer ses
délais (cycles), ses coûts de dysfonctionnement (non
qualité). Le pilote est aussi mesuré sur les
améliorations majeures sur ces indicateurs d'efficience Q/C/D .
Un troisième type d'indicateurs est celui mesurant des relations
client/fournisseur de frontières internes au processus (voir
3.4.).
2.3.
Systémique et temporalités
De nombreuses méthodes existent pour permettre de "dessiner" la
séquence, les interrelations des processus. On aboutit alors
à une carte globale, relativement simple à dessiner. On
oublie néanmoins souvent les processus de contrôle et de
décision! La systémique peut là encore aider,
rappelant opportunément les différents "espace-temps" des
organisations.

Figure 4. Les niveaux de processus, vus par la systémique
Les niveaux opérationnels, d'exécution, fonctionnent,
suivant les secteurs dans un espace temps de la seconde, de la minute,
de l'heure; les niveaux de management au niveau de l'heure, de la
journée; les niveaux "supérieurs", stratégiques au
niveau du mois, de l'année. Ces aspects temporels sont souvent
peu traités dans la mécanique processus…
2.4.
Troisième acte: Cartographie globale des processus de
l'organisation

Figure 5. Cartographie élémentaire de
processus
d'une entreprise plutôt industrielle
On peut alors tracer le contour de l'ensemble des processus de
l'organisation. Avant l'utilisation d'outils plus sophistiqués ,
une première esquisse peut être faite "à la main".
Ces représentations sont par ailleurs totalement
nécessaires dans le cadre des certifications ISO.
Dans la plupart de ces cartographies, on trace intuitivement les
relations que l'on pressent entre les différents processus. Mais
imaginons que l'on veuille désormais agir sur un ou plusieurs
processus (amélioration, Kaisen ou reconfiguration,
BPR ). Les processus ne sont pas indépendants. L'entreprise est
un système! Comment étudier l'ensemble des interrelations
des processus, souvent considérés à tord comme
indépendants, afin de savoir, dans cette complexité
systémique, par où commencer?
2.5. Perdu dans la
complexité? Par où commencer?
Interdépendances
Des méthodes puissantes, mais simples d'usage, permettent
de résoudre ce problème. Calculer la "dépendance"
et l' "influence" des processus les uns sur les autres est clé.
Il suffit de bâtir une matrice:
On se pose comme
question: "si modifiait fortement le processus ligne, quel serait
l'impact direct sur le processus colonne ?". Il est alors
évident que les sommes horizontales représentent
l'influence globale, les sommes verticales la dépendance
globale.
Ceci permet entre autres d'obtenir une visualisation des processus dans
4 quartiles:

Figure 6. Positionnement
d'influence/dépendance
Les moteurs (agir sur eux est puissant, mais on va, en cascade,
restructurer toute l'entreprise), les dépendants (à peine
réformés, une modification dans un autre processus vas
les modifier à nouveau), les indépendants (bon candidats
potentiels si besoin à l'externalisation, "deplugables" plus
facilement de l'organisation, les nœuds (à l'intersection de
tous les processus, ce serait bien de commencer par eux…)
On peut bien sûr également représenter sous forme
"réseau" les liaisons inter-processus:

Cette méthode d'analyse systémique peut être
utilisée dans bien d'autres cas, mais elle est très utile
ici pour démêler la complexité des processus.
3. Quelques autres
lames fondamentales du "couteau suisse" managérial.
3.1. Un moment
clé: Aligner les processus avec les
stratégies.
Il faut évidemment choisir quels sont les processus
prioritaires. Certes l'entreprise doit améliorer en permanence
tous ces mécanismes, mais, n'ayant pas une infinité de
ressources humaines et financières, elle doit arbitrer, à
l'horizon stratégique ou opérationnel, sur les projets
prioritaires concernant ces processus.
L'alignement stratégique nous conseille alors d'agir en
priorité sur les processus ayant une influence forte sur la
réussite des stratégies. La technique la plus simple, et
largement utilisée, pour aligner processus est stratégie
est de chercher l'effet de levier des processus sur le tableau de bord
de l'entreprise (ou de l'entité étudiée ).
Les tableaux de bord existent, implicitement ou explicitement. C'est la
liste des objectifs stratégiques de l'entreprise, à
l'horizon opérationnel. La théorie du tableau de
bord ("Balanced Scorecard") nous rappelle qu'il faut y trouver au
moins quatre types d'objectifs: Ceux des "stockholders" (profit,
croissance, …), ceux des clients (satisfaction, qualité, …),
ceux des processus (efficacité, efficience, ..), ceux du
personnel et des savoirs (compétences, moral,…) . Ce tableau de
bord doit être bien sûr complété des
indicateurs de gestion, mesurant l'avance de ces objectifs
stratégiques.

Processus:
Etudier marché / Concevoir produits / Gérer
secteur Cial / Faire souscrire / Gérer contrats /
Fidéliser / Faire payer / Régler sinistres / Surveiller
portefeuille / Gérer RH / gérer Finance - Ctl gestion /
Gérer réassurance / Gérer infrastructures
Figure 7. Exemple tableau de bord et liste
simplifiée de
processus (Cie d'assurances de taille moyenne)
3.2. Techniques de
priorisation, Hoshin Kanri.

Prioriser les processus revient à se poser la question: Si je
devenais le meilleur du monde sur ce processus, quel effet de levier
direct cela aurait-il sur mon tableau de bord?
Cette technique ( "Hoshin Kanri", issue historiquement du Japon) permet
d'obtenir un consensus de l'entreprise sur les processus
clés. Le comité de direction, ayant trouvé son
consensus sur le tableau de bord et la liste des processus, "vote" pour
répondre à cette question, à la lumière des
connaissances qu'ils ont .

Figure 8. Les processus priorisés par effet
de levier
sur le tableau de bord

Figure 9. Exemple simplifié de priorisation
de processus
par appréciation effet de levier sur tableau de bord (Hoshin
Kanri)
Cette technique ne permet que d'obtenir un consensus sur les processus
les plus importants . Mais il reste bien sûr à
étudier s'ils sont aussi performants. Certains sont
déjà connus par l'entreprise comme sous-performants,
d'autres peuvent être comparés ("benchmark") avec les
processus des concurrents, ou, mieux, avec ceux d'entreprises
d'autres secteurs, innovatrices sur leurs façons de conduire
leurs activités!
Les priorités peuvent alors être les processus importants
(bras de levier sur la stratégie) et peu performants (benchmark,
comparaison aux meilleures pratiques, niveau de maturité)
Pour les priorités d'action, l'analyse systémique de type
Micmac donne des indications supplémentaires.
Les processus sélectionnés, souvent transverses, ont
besoin alors d'être managés. Rappelons simplement que cela
consiste à créer un management matriciel
intelligent: finalités des processus clairement choisies,
indicateurs d'efficacité et d'efficience, arbitrages long-terme
et au quotidien faits au bon niveau, communication, …etc.…
Mais… malgré tout cela, le langage processus a beaucoup de mal
à passer pour tous dans les entreprises ! Une technique
supplémentaire va faciliter cet aspect.
3.3. Et encore…:
l'ABC des processus….
Le mot processus reste abstrait pour beaucoup d'acteurs, et est
mal
compris. Ce que les personnes comprennent, c'est leur métier:
"je suis vendeur", "je suis manager de la chaîne de production",
"je suis administratif back-office", "je suis auditeur", ce sont les
définitions traditionnelles et les missions afférentes
aux structures en silos. Comment établir le lien entre
cette façon de voir et les dynamiques processus?
Une technique simple est, liste des processus en main, d'aller voir les
fonctions et de leur demander: "combien de temps dans l'année
les personnels de votre fonction sont-ils impliqués en moyenne
dans le processus 1, 2, …,n ? Ce questionnaire permet de remplir
facilement une matrice structure/processus, dont l'utilisation
à usages multiples permet de:

Figure 10. Exemple prototype de matrice ABC (Cie
d'assurances de taille moyenne)
- visualiser immédiatement le matriciel de l'entreprise, les
processus les plus interfonctionnels (représentés par ),
ceux qui sont plutôt monofonctionnels;
- obtenir a un premier prototype d'une approche ABC ("Activity Based
Costing"), très utile aux organisations modernes (avec les
techniques de management correspondantes de type ABM) .
- calculer immédiatement, connaissant les coûts verticaux,
un chiffre souvent inconnu, le coût humain des processus (en
multipliant le coût des hommes par le pourcentage de temps).
- imaginer sur ce schéma "as is" des scénarios "to be",
avec de nouvelles distributions de missions et de rôle,
construire un prototype de "to be" et en estimer certains gains et
certains coûts. On voit clairement les acteurs impliqués
dans la réalité dans chacun des processus, ce qui va
simplifier les cartographies de processus.
3.4. Vers
l'action: Pré-cartographier son processus
Le pilote doit connaître son processus. Volontairement, on
n'évoquera pas ici les multiples méthodes
d'enquêtes et outils techniques sophistiqués pour
"dessiner" un processus . On mentionnera quelques méthodes
élémentaires et quelques pièges toujours
présents.

Figure 11. Cartographie primaire d'un processus
(d'après
IBM France)
Une fois la cartographie en main, de nombreuses méthodes
sont
à disposition: l'analyse de la valeur, permettant d'estimer la
"valeur ajoutée" (par rapport à son coût!) de
chacune des activités vis à vis de la finalité du
processus. On peut en tirer de nombreuses conclusions. Une
méthode semblable peut, au lieu de mesurer la valeur, mesurer le
temps ("time analysis").
Que l'analyse soit faite par le temps, par le coût ou par la non
qualité, on découvre que de nombreux problèmes
viennent aux frontières interservices (cf. sur figure 11 la
zone "relation client/fournisseur"). C'est là que beaucoup de
approches existent.
Historiquement, on a souvent tenté de durcir le jeu, en imposant
une métrologie à la frontière et en faisant signer
(physiquement ou moralement) un contrat client/fournisseur, quelquefois
"léonin". Les échecs de cette méthode ont
été nombreux, même si quelquefois elle a
été nécessaire sur des thématiques de
gouvernance, de sécurité, de qualité de
production, de diminution des cycles.
Mieux, en peut décider, après avoir convaincu les acteurs
du but commun (finalité du processus), de les inciter
à négocier mieux leurs relations de
frontière et d'innover par eux mêmes (avec des
méthodes issues des mouvements Qualité [ARC 84], groupes
et cercles de qualité,… ). Ils résoudront alors souvent
ces dysfonctionnements inter-services, en éradiquant les causes.
Ceci peut buter quelquefois sur les arbitrages managériaux, sur
les égoïsmes de fonctions focalisées sur leurs
propres objectifs court-terme.
4 Inventer son
propre modèle, bien choisir ses instruments…
Comme dit au départ, le déploiement
stratégique
implique de synchroniser le plus possible (cohérence
stratégique) les aspects organisationnels (processus,
structures), les aspects humains (formations, changements de cultures,
…) et les aspects technologiques (souvent par l'informatisation).
Malheureusement, ces trois disciplines ne fonctionnent pas au
même rythme, avec une technologie qui émerge tous les
jours et les temps nécessaires pour changer une organisation
et/ou une manière de penser.
De plus, les technologies peuvent de façon moderne avoir une
fonction destructrice sur la chaîne de valeur, sur les processus.
Il suffit de penser à l'impact d'internet et des nouveaux modes
de réservation sur les processus d'une agence de voyage!
Il reste sur le sujet processus de nombreux et passionnants
problèmes ouverts!
- Doit-on d'abord changer l'organisation, les processus, faire
évoluer les mentalités pour éviter l'écueil
de la "résistance au changement" et décider
l'informatisation qu'ensuite? Ou est-il plus important de faire d'abord
le changement technologique (par exemple mettre en place un logiciel
"ERP" de type SAP, apportant sa propre philosophie implicite sur de
nombreux processus) et ensuite seulement d'adapter l'organisation et
les mentalités?
- Dans nos sociétés en réseaux, évolutifs
et changeants, comment parier intelligemment sur les zones de
stabilité du futur, les pièces clés du jeu de
Légo® de l'entreprise, les portions de processus
représentant sa vraie valeur ajoutée, ses savoirs
distinctifs, et qu'il faut absolument mettre sous contrôle,
sachant qu'il faut si possible laisser le reste en liberté
adaptative?
- Le pilote de processus doit-il utiliser une instrumentation
"standard" pour agir ou inventer des outils adaptés aux cultures
de son entreprise?
- Comment adapter les systèmes de management
(générant l'implication des acteurs) à ces
nouveaux modes, pour permettre aux métiers, aux silos
d'augmenter leur efficacité tout en accélérant les
réformes de processus transverses, tout en favorisant
l'innovation en réseaux?
- …
Chaque organisation doit évidemment se trouver sur ces
thèmes son génie propre, sa propre "vision processus".
Bibliographie
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Seuil, 1984.
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Jean-François David. http://davidjf.free.fr/pronew.html
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Version anglaise: http://pespmc1.vub.ac.be/macroscope/default.html