Gouvernance et pilotage des processus


 



(préface de la 2ème édition en 2006 de l'ouvrage Approche Processus de Hans BRANDENBURG et Jean-Pierre WOJTYNA paru en 2003 aux Editions d'Organisatioon





Quand le mot processus est réellement apparu dans les entreprises, dans les années 85, il  était  aussi exotique pour les dirigeants que le mot gouvernance aujourd'hui. Un dirigeant de grande entreprise m'affirmait à l'époque que la liste des processus cruciaux étaient simplement la liste des problèmes clés de l'entreprise! 

Ceci a heureusement évolué, quoique l'on est encore surpris par l'éventail des réponses à la question "Qu'est ce qu'un processus?".
Cela va de "mode d'emploi" (procédure) à "façon de faire" (procédé) en passant par les fameuses définitions technocratiques et peu comprises du type "enchaînement de taches",... !


Maturité du concept processus

La connaissance et l'usage des processus est, vingt ans après, devenu mature. Cet ouvrage en est l'illustration:
- Les approches modernes de la qualité totale, de l'excellence, voire du développement durable donnent un poids crucial à la priorisation et à la maîtrise des processus.
On ne peut aller vers la certification ISO sans une approche très sérieuse sur les processus (cartographies, descriptions, …) !
- Beaucoup d'entreprises se lancent dans le "mode projet", dont les modalités sont très proches du "mode processus" (la différence est qu'un projet n'a qu'une finalité limitée dans le temps alors que le processus poursuit une finalité permanente…)
- L'approche systémique devient –certes lentement- une vrai culture dans les entreprises. Or qu'est-ce qu'un processus si ce n'est un des sous-systèmes de l'organisation concernée. Systèmes et processus, même combat !
- La notion d'entreprise étendue, les alliances et partenariats dans un monde globalisé oblige à une réflexion de fond sur la chaîne de valeur des entreprises (leur liste de processus).
Il faut alors rechercher ce qui peut ou doit être sous-traité, les synergies inter-processus imaginables. Ceci est vrai entre entreprises partenaires, entre donneurs d'ordres et sous-traitants, …
- L'irruption et les possibilités offertes par les "nouvelles" technologies de l'information et de la communication (TIC) obligent les organisations à repenser fondamentalement leurs processus, afin de  les améliorer et/ou les reconfigurer profondément.

La gouvernance, un nouveau "buzzword"?


Gouverner l'entreprise est certes depuis toujours la responsabilité majeure des dirigeants.
Mais le concept récemment popularisée de gouvernance, suite aux scandales dans certaines entreprises anglo-saxonnes,  insiste sur les processus de la direction d'entreprise, en y incluant les responsabilités sociales.

La gouvernance définit  le système selon  lequel les entreprises sont dirigées et contrôlées. Cela incorpore à la fois le respect total des lois et régulations extérieures  et des politiques propres de l'entreprise,  et les procédures conçues pour assurer l'exactitude et la transparence dans les rapports comptables et financiers de chacune des entités, au bénéfice des parties prenantes.

Les processus sont au centre de cette approche.

* Par la présence marquante des processus dans un des outils clé de la gouvernance, le tableau de bord "équilibré" et ses quatre préoccupations clés (actionnaires, clients, processus, personnel/savoirs):
- satisfaire l'actionnaire interpelle sur le profit (dont le coût, la productivité,  et l'éventuelle non-qualité des processus) et sur  la croissance (souvent liée à la réactivité de l'entreprise, donc à  la "vitesse" de ses processus d'innovation et de service),
- Pour réussir cela, il faut bien sûr satisfaire le client, ce qui amène à se concentrer sur les processus "orientés client", par nature inter-fonctionnels, et à s'interroger sur leurs finalités,
- Il faut donc ré-interpeller tous les processus de l'entreprise, pour s'assurer qu'ils servent bien ces objectifs,
- Enfin, il faut mettre le personnel et son savoir au service des finalités de ces processus…

* Par les nouveaux besoins de transparence et de  mesure de tous les mécanismes de l'entreprise, ce qui suppose de mettre totalement les processus sous contrôle.

* Par l'emphase nécessaire mise sur les processus de pilotage des entreprises, outils opérationnels de la gouvernance au quotidien

Gouverner les processus clés


L’entreprise doit d’abord détecter ses processus clés : ceux dont l'optimisation ont l'effet de levier le plus puissant sur la réussite des stratégies, ceux qui ont des déficits de performance par rapport aux entreprises ayant des processus semblables, …

Plusieurs problèmes doivent ensuite être résolus:
- Il faut bien sûr se mettre d'accord sur la finalité des processus clés (par exemple, doit-on facturer le client "au plus tôt, en temps utile, au plus tard…?)
- Il faut imaginer comment manager  les processus, par nature "transverses". Comment équilibrer le pouvoir des propriétaires de ces processus transverses et celui des responsables "verticaux"? Comment donner des objectifs aux managers et au  personnel pour le responsabiliser à la fois sur leur performance "verticale" et leur nécessaire solidarité "horizontale"?
- Des amélioration "incrémentales" de ces processus sont-elles suffisantes, avec des mécanismes de qualité ou doit-on aller vers une reconfiguration fondamentale de ces processus
- L'entreprise étant un système, tous les processus sont plus ou moins liés. En améliorer un peut avoir des impacts en cascade sur les autres, et on risque de concerner toute l'entreprise. Par où commencer?

Les systèmes d'information, l'informatisation,  sont totalement imbriqués dans toutes les décisions concernant les processus opérationnels, et peut-être plus encore les processus de pilotage.
Une bonne gouvernance des SI est souvent la clé du succès.   Des études récentes démontrent la meilleure compétititivité des entreprises ayant mis en place cette gouvernance des SI dont les clés sont bien évidemment:
- Maîtrise et mise sous contrôle des processus interne de l'informatique
- Métrologie et tableaux de bord, contrôle des coûts et des risques
- Projets informatiques choisis sur la base de leur contribution aux processus majeurs de l'entreprise

Quelque pièges du pilotage…

- Chacun est conscient que dans le monde mouvant, volatile, l'idée de vouloir tout "mettre au carré" est à la fois illusoire et stupide. Les clients changent, les marchés également, les technologies évoluent, l'adaptation dynamique devient indispensable. Que doit-on normer dans ce nouveau monde, où doit s'arrêter la norme, qui peut être un frein à l'évolution?

Les organisateurs, les informaticiens sont souvent extrémistes dans cette optique, visant à traiter le problème de bout en bout. Cela colorie souvent les manœuvres de certification en technocratie des procédures…
Or le génie propre d'une organisation est de trouver, pour elle-même,  la frontière subtile entre ce qui a besoin d'être normé, totalement gouverné (le "noyau dur", le cœur de métier, les savoirs distinctifs,…), et ce qui doit être laissé en degré de liberté, auto-adaptatif (ce qui n'exclut pas, bien sûr, un certain contrôle).
Trouver où mettre le curseur, dans cet équilibre, est une clé de la réussite.  Ceci évitera, dans beaucoup de cas la suspicion technocratique, la confusion entre processus (finalité) et procédure,…

Les processus sont au cœur des stratégies de changement. Or changer n'est pas simple. Passer d'une situation A, avec les méthodes habituelles de A, à une situation B, avec les méthodes nouvelles de B est par nature impossible, car nous sommes enfermés dans les paradigmes, les grilles de décodage du monde A! La seule méthode possible est de détecter des acteurs dans l'organisation qui, par le hasard de l'histoire, sont déjà dans le mode B. Il faut ensuite les mettre en pouvoir et en faire les "agents du changement". Améliorer, changer les processus se fera ainsi par prototypages successifs, commençant par une expérience pilote, qui se généralisera progressivement.

L'imbrication de l'organisation, des technologies et des aspects humains et culturels est structurelle aux processus. Doit-on d'abord changer l'organisation (les façons de faire) avant d'informatiser, ou l'inverse, doit-on faire bouger les motivations avant ou après, quel est le levier d'action le plus efficace? Tenter de mettre en cohérence ces trois aspects est clé dans le cadre des processus.

Cette nouvelle édition de cet ouvrage "mode d'emploi", plongé au sein de ces problématiques, orienté vers l'action, mets particulièrement l'emphase sur les processus de pilotage.
Ce livre donne tous les outils aux décideurs pour "passer à l'acte" en faisant (enfin?) des processus  l'instrumentation totalement stratégique de leur gouvernance d'entreprise.