"C'est pas demain, la veille"
Publié dans Inspection IBM 1990
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et ses activités de Conseil....
L'entreprise peut mourir d'auto-satisfaction. "Tout va bien à bord". L'écoute de l'extérieur, bien utilisée, est devenue désormais uu facteur de survie des organisations modernes. Congrès, colloques, littérature, contacts externes, banques de données... doivent servir à adapter le plus vite possible l'entreprise à ses nouveaux environnements, concurrentiels et technologiques. .
La veille, pourquoi ?
Les entreprises ont toujours été confrontées à
de multiples problèmes : elles doivent si possible croître à
une allure au moins égale à celle de leurs concurrents, générer
un profit annuel qui leur permette de survivre et de réinvestir.
De nouveaux dangers émergent, elle voient arriver sur leur marché
une nouvelle concurrence, quelquefois venue de tout autre secteur d'activité
(les nouveaux entrants), se voient menacées de produits de plus en
plus compétitifs avec leurs propres produits et services (les produits
de substitution). Les marchés se mondialisent, les imbrications clients/fournisseurs
se font de plus en plus fortes, suscitant de nouveaux partenariats, allant
jusqu'à la prise de participation, l'OPA...
Face à ce nouvel environnement, quelles sont les stratégies
nouvelles qui conditionnent la survie ou la réussite ?
Un article de la revue FORTUNE avait pour titre SPEED. La vitesse dans
tous les domaines devient le facteur marquant. En combien de temps vais-je
concevoir mon prochain produit? En combien de temps vais-je le rendre disponible,
le fabriquer? Que se soit un nouveau service bancaire, un produit industriel,
un nouveau produit d'assurance, la problématique est semblable. Mes
structures sont-elles adaptées à ee temps de réponse
entre l'écoute anticipative des besoins de mon marché et la
satisfaction de qualité de ce besoin, afin d'être, plus que
mes concurrents, une entreprise "Market-driven" ?
La vitesse d'action est devenu, dans notre monde, le facteur clé de
la compétitivité.
Les tecbnologies jouent, dans cet environnement, un rôle déterminant:
les technologies de base de l'entreprise évoluent, et il faut si possible,
dans ce domaine, garder toujours une longueur d'avance. De nouvelles techniques
de
fabrication émergent, qu'il faut adopter rapidement, afin que le savoir-faire
de l'entreprise, "know how", qui peut être long à eonstitucr,
puisse émerger à temps.
Les technologies des systèmes d'information sont au coeur des problèmes
de vitesse des entreprises. Elles permettent d'accélérer les
processus cruciaux, en les robotisant, de nouer des liens privilégiés
avec les clients et les fournisseurs, en leur fournissant des services ("entreprise
étendue"), de créer de nouveaux produits à haute valeur
ajoutée ("voiture intelligente"'),...
C'est l'objectif de la veille technologique de se donner les moyens d'anticiper
ces phénomènes.
La veille, c'est quoi ?
Le jeu concurrentiel dans un secteur donné n'est jamais le fait
du hasard.
Cinq paramètres principaux conditionnent l'avenir de l'entreprise (cf.
ouvrages de Michael Porter). Les concurrents déjà présents
dans le secteur, la menace des nouveaux arrivants, la menace des produits
ou services pouvant se substituer à ceux de l'entreprise, le pouvoir
de négociation des fournisseurs, le pouvoir de négociation des
clients.
Quatre types de veille sont associés à ces paramètres
:
- la veille concurrentielle (concurrents, nouveaux entrants) ;
- la veille commerciale (clients, fournisseurs, marché) ;
- la veille environnementale (événements, tendances long terme,
sociologie,...);
- la veille technologique (acquis scientifiques et techniques, nouvelles technologies
émergentes, nouvelles utilisations, nouveaux produits, services, nouveaux
procédés, nouveaux matériaux, nouvelles approches des
systèmes d'information,..).
Certains pays, certaines entreprises ont poussé très loin ces
concepts, ce qui leur permet une meilleu.re anticipation des événements:
Les entreprises, et les
laboratoires japonais accèdent en temps réel à cinq
mille résumés rédigés chaque année à
partir de onze mille revues, dont sept mille étrangères, venant
de cin-
quante pays, de quinze mille rapports techniques, de milliers de rapports
de conférences, de plus de cinquante mille brevets intelligemment sélectionnés
chaque année".
Chaque personne d'IBM peut accéder à tous les extraits d'articles
de presse publiés, techniques ou généraux, outil précieux
de veille technologique et environnemen-
tale...
La veille technologique (VT) permettra, non seulement d'innover avant les
autres (association d'une nouvelle technologie et d'une nouvelle utilisation),
mais d'améliorer la qualité de ce qui existe déjà
(ancienne utilisation et nouvelle technologie) et diversifier (technologie
connue, mais nouvelle utilisation).
Deux "types" de veille doivent être assumées : la veille "tous
azimuts" permet à l'entreprise d'obtenir un diagnostic général
(pendant qu'en interne l'entreprise étudie ses forces et faiblesses
par rapport à sa concurrence).
Le diagnostic étant fait, la veille "centrée" recherche les
informations utiles aux prises de décision (pendant qu'en interne on
sélectionne les processus "stratégiques", les projets "stratégiques"
à favoriser). Par exemple, une grande société d'assurances
réunit mensuellement des sociologues, professeurs, médecins,
scientifiques,... lors d'un comité scientifique, afin d'anticiper
dans toutes les directions, de nouveaux phénomènes qui peuvent
toucher son activité. IBM réunit périodiquement ses
"IBM fellows", ses experts de haut niveau dans le même but. Ensuite,
des missions d'écoute plus centrées sont déclenchées,
vers la prise de décision.
La veille, où ?
Où rechercher l'information dont on a besoin
Les sources d'informations sont multiples: nous vivons dans un monde où
la masse d'informations croît de façon extrêmement rapide,
sous toutes formes
(journaux, télévisions, conversations, lectures...) et est
toujours supérieure aux capacités d'absorption des individus
et des organisations. C'est l'opulence communicationnelle. Comment une organisation
peut elle sélecter ce qui lui est utile?
Il existe trois sources principales :
- Les sources d'information formalisées. En ce qui concerne la veille
technologique, les sources vont être : les salons professionnels, les
publications
professionnelles, les publications généralistes, les consultants
qui possèdent de l'information avancée, les fournisseurs qui
innovent en procédés et en
technologie, les clients qui expriment de nouveaux besoins ou simplement des
désirs...
Les conséquences sont multiples : sélectivité des abonnements,
création d'abstracts accessibles facilement, accès à
des banques de données internes et externes (ex: banque de données
des brevets). De nombreuses sociétés se sont spécialisées
dans la fourniture de ce type d'informations.
- Les sources d'information informelles. Beaucoup d'informations peuvent venir
des concurrents, à travers leurs publicités, catalogues, les
salons et col loques, les produits... Devenir fournisseur de ses concurrents
peut devenir une source d'information... Certaines sociétés
peuvent hélas aller dans ce cadre jusqu'à l'espionnage industriel,
mais il faut savoir que 95% de l'information peut être obtenue par d'autres
moyens1
-Les fournisseurs, les sous-traitants, qui fournit qui... ? Cette information
est en général très utile. La veille peut même
souvent être sous-traitée 1 Lorsque des
liens privilégiés existent entre sociétés, on
peut parler, au delà de l'entreprise étendue, d'écoute
étendue...
. les missions, voyages d'études ;
. les expositions, les salons - pensons particulièrement aux vrais
spécialistes de la veille technologique, les Japonais, appareil photos
en bandoulière, qui savent scientifiquement utiliser ces opportunités
de veille ;
. les colloques, congrès, salons professionnels. Bien d'autres sources
informelles existent, contrats de recherches,mémoires d'étudiants,
contrats d'assistance techniques, comités de normalisation...
- Les sources internes à l'entreprise. Elles sont souvent sous-estimées.
Autant la petite entreprise a souvent des difficultés à savoir,
autant la grande entreprise possède, en son sein, un potentiel extraordinaire
d'information.
Mais cette information circule souvent mal. Des individus peuvent être
des sources d'information, diffusant à tous, d'autres plutôt
des puits, gardant l'information pour eux. Un troisième cas
très fréquent est l'existence de clans, de clubs
informels, qui se rassemblent autour d'une spécialité, qui communiquent
entre eux fréquemment, sur des thèmes variés, qui échangent
de l'information (clubs PC, clubs technologiques,...). Les moyens informatiques
facilitent ces échanges (ex: FORUM sous HONE). Ces "clubismes" représentent
une source extraordinaire d'informations de veille pour l'entreprise, si
on sait les utiliser.
La veille efficace
Cela ne sert à rien de savoir si ce potentiel d'informations ne se transforme pas en action. De nombreux inhibiteurs à cctte transformation existent dans l'entreprise :
- Inhibiteurs techniques. Ce sont souvent. les plus connus, mais peut-être
aussi les plus simples à supprimer. Il faut offrir aux personnels de
l'entreprise les moyens techniques pour communiquer, pour accéder à
l'information : messagerie généralisée pour accéder
au présent, bases de données pour accéder au
passé outils de simulation pour accéder au futur.
Des sociétés avancées comme IBM les possèdent
souvent.
Le problème s'amplifiera car les individus n'auront plus le temps
de codifier l'information et il faudra véhiculer sur les messageries,
dans les bases de données
de l'information brute sous forme d'images, de son, de vidéo,.., ce
qui laisse présager des évolutions technologiques spectaculaires...
-Inhibiteurs d'organisation. L'entreprise classique est organisé hiérarchiquement
en structures, à qui on donne des missions (vendre, produire,
concevoir, gérer,...). Or, l'information de veille doit en général
se véhiculer entre les services, les fonctions, extrêmement
rapidement, pour aboutir à une prise de décision avant la concurrence.
C'est donc désormais la maîtrise de la coopération,
de l'inter-fonctionnalité, des processus qui devient
la condition de l'entreprise "Market-driven". C'est le sens, dans les entreprises
modernes, de la mise en place d'organisations visant à maîtriser
les problèmes d'inter-fonctionnalité. A IBM, c'est une partie
essentielle de notre organisation, à travers les programmes processus
et simplification.
- Inhibiteurs humains. Quel pourcentage de temps chacun des employés
de l'entreprise passe-t-il à ses activités internes par rapport
au temps consacré à
l'écoute de l'extérieur, à la veille, à la synthèse
de ces informations externes, à l'action pour communiquer ces informations
dans le cadre de leurs missions? Cela suppose l'émergences d'un nouveau
type d'employé, tourné vers l'extérieur sans perdre
l'identité de l'entreprise qui l'emploie. C'est là sans doute
l'impact le plus important d'une entreprise tournée vers la veille.
Veille et innovation
La veille technologique va servir à développer de nouveaux
produits, de nouveaux services, à trouver les coopérations stratégiques
sur le marché, à réduire les temps de prise de décision,...
Une différence infime au départ peut aboutir à des impacts
formidables sur la croissance demain. C'est souvent le pre- mier qui agit
qui crée à terme un écart
stratégique. Il faut, de façon cruciale, raccourcir le temps
entre l'intuition initiale et la mise sur marché d'un nouveau service.
Une bonne veille technologique
et toutes ses composantes, techniques, organisationnelles et humaines, est
une condition clé de l'avantage concurrentiel. .
Beaucoup des idées de cet article sont issues de livres publiés et plus spécifiquement de :
- La veille technologique, concurrentielle et commerciale Martinet
et Ribault, Editions d'organisation
- Diagnostic stratégique Martinet, Editions Vuibert
- L'avantage concurrentiel. Porter, Editions Interéditions.
-Système d'informations pour le management stratégiques de
l'entreprise Lesca, Editions Mc Graw-Hill.
© Jean-François David et Inspection IBM France 1990
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