(commentaire dans la revue Harvard/L'Expansion)
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Le "sur mesure de masse" est-il un concept généralisable aux entreprises européennes ?
Comment les entreprises peuvent-elles à la fois fiabiliser leurs processus et les révolutionner face aux besoins changeants du marché ? En d'autres termes, peut-on vivre en stabilité dynamique ?
Les quatre "quartiles" de l'évolution historique des entreprises
(de l'innovation à la production en série, puis de l'amélioration
continue au "sur mesure de masse") apportent-ils une vision nouvelle pour
l'action ? Il faut savoir qu'aucune représentation du monde en quatre
"quartiles" n'a jamais bouleversé l'histoire des entreprises.
Les dirigeants innovent, et les modèles représentatifs
viennent après. Ces derniers ont, malgré tout, de grandes
venus pédagogiques (en suscitant la réflexion stratégique),
prospectives (en permettant de tracer des scénarios) et pré-opérationnelles
(en aidant au "maquettage" des changements possibles et en éclairant
les priorités des organisations).
Le modèle de stabilité dynamique est un bon exemple de
ces représentations : en apparence simpliste, il montre une grande
puissance opérationnelle. Et ce à plusieurs niveaux.
- stabilité dynamique et culture des processus "transverses"
Citons en exemple son application possible dans le cadre d'un problème
clé, la "ré-ingénierie" des processus. L'entreprise
moderne, pour augmenter sa réactivité face à ses clients,
est amenée à diminuer le délai entre la détection
du besoin (voire l'anticipation des désirs) et la réponse
appropriée. Ceci conduit à fiabiliser, à mettre sous
contrôle, à rebâtir certains processus "transverses".
Comme l'explique Fisher, le P-DG de Motorola, il s'agit d'"optimiser
l'horizontal".
Or, les acteurs de l'entreprise se trouvent à l'intersection
de ces problèmes, tiraillés entre le "durcissement" vertical
et la nécessité de coopérer de manière "transverse".
Un dirigeant d'une banque, lors d'un colloque sur la "ré-ingénierie",
s'exprimait ainsi : "Arrêtons de promouvoir abusivement les nouvelles
cultures (orientation client, coopération, leadership). Un bon nombre
de mes salariés vont effectuer un travail taylorisé de production
de masse dans les années qui viennent et ce n'est pas demain qu'ils
seront transformés en individus adaptés au "sur mesure de
masse" !"
Ceci amène au constat suivant : il est illusoire de vouloir
transformer les cultures de toute l'entreprise d'un seul coup. Certains
processus verticaux seront encore pendant longtemps en "innovation", d'autres
en "production de masse", d'autres en "amélioration continue". Le
plus important est de bien connaître ces différentes sous-cultures
et d'imaginer les efforts nécessaires pour les faire évoluer
vers une sorte de "PGCD" culturel, qui permette une coopération
suffisante sur la gestion des processus "transverses".
- stabilité dynamique et qualité
Les "quartiles" de Joseph Pine, de Ban Victor et d'Andrew Boynton permettent
d'éclairer les différentes dynamiques qui co-existent dans
l'entreprise en matière de qualité, et de les réconcilier.
De la qualité de 1'"artisan" (innovation) à l'assurance-qualité
et aux certifications (production de masse), de la qualité totale
(amélioration continue) à la qualité orientée
vers le client ( "sur mesure de masse"), les étapes sont nombreuses
et les échecs fréquents.
Doit-on fiabiliser et durcir les processus, au moment où l'on
va devoir les casser en permanence pour réussir le "sur mesure de
masse" ? La représentation de la stabilité dynamique est
éclairante dans ce sens.
- stabilité dynamique et temps
Certes, le temps est devenu (mais peut-être l'a-t-il toujours
été ?) une arme cruciale.
Comment, dans ce cadre, trouver une réconciliation dynamique
entre les stratégies de l'entreprise et les acteurs, qui doivent,
à chaque instant, produire, arbitrer, communiquer, agir, penser,
et pour lesquels le temps est vécu de façon discrète
et hachée ? Pendant ce temps, les technologies accélèrent
formidablement la temporalité...
Dans ce monde d'adaptation dynamique, chaque entreprise est reconnaissable
à sa culture spécifique en ce qui concerne le temps.
Qui sauira réconcilier les temps de l'entreprise - celui de
l'invention ou de la production, celui du client ou de la transformation
-,les temps des technologies et le temps des hommes ?
La stabilité dynamique exige de manager le temps.