En quoi réside l'originalité du reengineering ?
Quand, pourquoi et comment s'engager ou ne pas s'engager.
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Le point avec Jean.François David, Directeur R&D d'IBM
Conseil,
spécialisé dans le reengineering et les technologies de
l'information...
(interview réalisé par Sandrine Zerbib-Lucas
pour
"Qualité en Mouvement" 1995)
"Nous dissuadons les entreprises de s'engager dans le
reengineering quand on découvre que l'humain ne suivra pas."
Qu'apporte de nouveau le reengineering ?
Le reengineering est un concept à la fois nouveau et
classique. Il repose sur l'idée qu'il faut tout " casser ",
particulièrement pour faire passer les entreprises du mode
"push " - invention et développement de produits ou services que
l'on
cherche ensuite à vendre, au mode "pull " -développement
des
produits et services à partir de la demande du marché.
Comment ?
En reconfigurant l'entreprise à partir du client. Cela, c'est
le
discours, pour passer à l'acte, il faut descendre un cran plus
bas
et s'intéresser aux processus opérationnels qui servent
les
grandes finalités de l'entreprise. Cette notion de processus
n'est
pas nouvelle... Les grands prix de la qualité, l'EFQM, le
Malcolm
Baldridge et les certifications lSO l'on déjà fait
connaître.
Ils ont également vulgarisé l'idée que le seul
arbitre
à l'intérieur de l'entreprise est son client final.
Reste que la qualité préconise de les améliorer
voire
de les simplifier de façon continue alors que le reengineering
opte
pour des solutions plus radicales.
Comment choisir ?
Le meilleur juge de paix est la concurrence. Une fois
déterminés les principaux processus de l'entreprise, le
benchmarking permet de se faire
une idée de leur performance. Chaque processus est
comparé selon
quatre critères : satisfaction client, vitesse, coût,
niveau
de qualité. Si mes concurrents sont. à 9 et moi à
10,
il me suffit de mener des actions d'améliorations continues, si
je
dois passcr de l0 à 1, je dois réaliser une rupture. On
ne
devrait parler de reengineering que lorsqu'il y a des changements
d'ordre
de grandeur qu'on ne puisse pas obtenir par des voies
d'amélioration classique. Il faut préciser que les
comparaisons doivent se faire, non seulenieiit avec les concurrents
directs, mais avec toutes les entreprises mondiales.
IBM actuellement est en ré-ingenierie profonde sur plusieurs de
ses
processus dont le " fullfilment " - de la commande à la
livraison -
et le " customer relationship " - de l'écoute du client à
sa
satisfaction en passant par le développement de l'offre.
Le reengineering permet-il de renouveler l'offre ou simplement de la rendre plus compétitive ?
Il existait historiquement deux types de produits: les produits et
services délivrés tels quels, sur " étagère
" et les produits
et services "sur mesure".
Entre ces deux extrémités, l'avenir est sans doute au "
sur
mesure de masse ". Il s'agit d'un produit ou service adapté
à
un besoin spécifique mais réalisé facilement et
rapidement
à partir de sous-ensembles adaptables. C'est là que se
situe
sans doute le champ majeur du reengineering pour aboutir à cette
entreprise
dynamiquement adaptable.
Quel est le rôle des technologies de l'information ?
La technologie, du micro-portatif à la visio-conférence, des stations satellites sur camion aux systèmes experts, etc, joue un rôle de faciliteur. Face à l'accélération des rythmes, ce qui va faire gagner l'entreprise est ce qui la fait aller plus vite. Le temps est aujourd'hui le premier facteur de la réussite.
Comment expliquez-vous le taux d'échec de 50 à 70 % ?
Le succès dépend de façon majeure de la
tolérance au changement du personnel. Aussi avant d'entamer une
démarche, faut-il
savoir à quel type de population on a affaire. De nombreux
critères
sont à prendre en compte dont la " vision " de l'entreprise, ses
valeurs,
les techniques de rémunération, le type de leadership, la
culture
d'organisation- Ils permettent de savoir à quelle typologie
appartient
la culture du personnel : le mode " invention ", le mode " production
de
masse ", le mode " amélioration continue ", le mode " sur mesure
de
masse "... Une entreprise, dans ses différents services, englobe
souvent
toutes ces tendances. Aussi faut-il établir une cartographie
sociale
précise de l'entreprise et trouver les chemins possibles et
impossibles
du point de vue humain. Nous dissuadons les entreprises de s'engager
dans le reengineering quand on découvre que l'humain ne suivra
pas.
Quel est le succès du concept en France ?
Trop peu d'entreprises font du reengineering. Quand elles ont le
choix, elles recourent plus volontiers aux techniques
d'amélioration continue (par ailleurs indispensables pour
assurer en cas de reengineering la pérennité des
changements...). Il n'y a de réel reengineering que lorsque
l'entreprise
a de graves problèmes
ou qu'elle est dans un secteur de guerre concurrentielle comme la
grande distribution
avec la pression des " hard-discounters ", l'automobile face aux
Japonais,
la banque et l'assurance avec la concurrence des services sans
guichets...
Le reengineering est " la reconfiguration en profondeur et la refonte radicale des processus opérationnels de l'entreprise, pour réaliser des gains majeurs dans les performances critiques que constituent aujourd'hui coûts, qualité, service et délais. .
© Jean-François David et Qualité en
Mouvement 1995
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