L'art des processus  (process intelligence)


L'approche Processus: mode d'emploi



(préface de l'ouvrage Approche Processus de Hans BRANDENBURG et Jean-Pierre WOJTYNA paru en 2003 aux Editions d'Organisation)



Il est très surprenant de constater comment le concept processus est peu assimilé globalement, tant au niveau des entreprises qu'au niveau universitaire.

J'ai souvent posé la question à des cadres de secteurs et de niveau variés. On peut être surpris par l'éventail des réponses. Cela va de "mode d'emploi" (procédure) à "façon de faire" (procédé) en passant par les fameuses définitions technocratiques et peu comprises du type "enchaînement de tâches",...

Pourtant de nombreuses organisations ont des dynamiques processus puissantes, en ont quelquefois fait leur idéologie d'organisation prédominante. Il y a 15 ans déjà, j'étais, en plus de mes fonctions, nominé de façon directive "propriétaire" de sous-processus à IBM, l'entreprise qui m'employait à l'époque.

Quand on posait la question au DG d'alors, il avait l'habitude de dire qu'un processus, c'était un problème clé de l'entreprise, à résoudre en priorité!

 

Pourquoi les processus?

Dans les années récentes, de nombreux phénomènes ont amenés à s'intéresser de plus près à ce vocable.

           

L'approche "client" amène à concentrer sur les processus "orientés client", par nature inter-fonctionnels, et à s'interroger sur leurs finalités
L'approche "actionnaire" interpelle sur le coût et l'éventuelle non-qualité des processus (court-terme) et sur leur vitesse (moyen-terme)

L'approche "personnel" oblige à préciser clairement à tous les finalités des processus

Quelques problématique processus

 

C'est le cas de CRM (Customer Relationship Management), un des macro-processus fondamentaux des entreprises, consistant, en mode "Pull", à écouter le client pour développer une offre adaptée, souvent "sur-mesure". Les "vendeurs" de logiciels promeuvent souvent des fonctionnalités visant à mieux connaître, mieux segmenter les clients , afin de mieux pouvoir leur vendre des produits et services, en mode "Push" !

C'est le cas de SCM (Supply Chain Management), macro-processus allant de la commande à la fabrication du produit ou service, des achats à la logistique, et qui ne peut être simplement confondu avec les logiciels afférents…

C'est le cas de BI (Business Intelligence), processus visant à connaître les bruits faibles de l'extérieur, sur les produits, les concurrents, les technologies, les services, les clients, et les transformer en décisions. Les logiciels de BI (data-mining, veille, ...) peuvent aider, mais ne sont pas plus importants que la définition du processus lui-même…

On pourrait longtemps continuer comme cela, avec l'ERP (Enterprise Ressource Planning) par exemple, fondamentalement et mot à mot processus de gestion et de connaissance consolidée de l'entreprise et dont les logiciels portant ce sigle visent à tout concerner

Enfin, le processus KM (Knowledge Management), impliquant tous les mécanismes visant à améliorer et manager les savoirs et les connaissances des organisations, et le plus souvent utilisé pour promouvoir intranets et bases de données…

Ce tri indispensable, entre les mots vus comme des processus et les mots vus comme des logiciels, est sain et fondamental pour les entreprises.


 

 

 

Des processus et des hommes

Les entreprises restent souvent réticentes par rapport à la notion de processus. Il y a à cela quelques raisons:

        Les organisateurs, les informaticiens sont souvent déformés par cette optique, qui vise à traiter le problème de bout en bout.
        Cela colorie trop souvent les manœuvres de certification en technocratie des procédures…

Or le génie propre d'une organisation est de trouver, pour elle-même, la frontière subtile entre ce qui a besoin d'être normé (le "noyau dur", le cœur de métier, les savoirs distinctifs,…), et ce qui doit être laissé en degré de liberté, auto-adaptatif.

Trouver où mettre le curseur, dans cet équilibre, est une clé de la réussite. Ceci évitera, dans beaucoup de cas la suspicion technocratique, la confusion entre processus (finalité) et procédure,…

* Philippe Lorino, Jean-Claude Tarondeau  Un cadre conceptuel fondant la stratégie sur les processus. Revue française de gestion, jan-fev 1998