Les agents intelligents : une question de recherche

Ceci est le "draft" initial d'un article scientifique bien plus étoffé, co-publié avec Emmanuel MONOD, dans la revue SIM (editions ESKA)
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" Le concept d’agent sera le paradigme le plus marquant des 10 prochaines années. En l’an 2000, chaque application importante sera facilitée par la présence d’agents " (P.Janca). Cette affirmation est-elle justifiée ? Pourquoi ce concept émerge aujourd’hui ? Qu’est-ce au fond qu’un agent intelligent ? Quels enjeux économiques sont cachés derrière la récupération médiatique du concept d’agent dans la presse spécialisée ?

L'objectif de ce point de vue est de donner un état des lieux sur le thème "agents intelligents" et d'ouvrir quelques pistes. Ce texte a d’ailleurs peut-être été réalisé à 80% par un ensemble d’agents..........

Dans une première partie, nous comparerons les différentes définitions des agents intelligents afin d'établir leurs caractéristiques. Ceci impliquera un recours à la systémique afin de préciser la notion d'intelligence utilisée ici.
Ensuite, nous nous placerons du point de vue de l'offre. Nous évoquerons la dialectique "push/ pull" (poussé par l'amont/ tiré par l'aval) illustrée par les agents intelligents se manifestant entre autres par la publicité informative et sur la spécificité de ces phénomènes par rapport au réseau Internet Nous décrirons la bataille des normes et leurs enjeux .
Enfin, nous nous placerons du point de vue de la demande. Il s'agira alors d'évaluer d'une part dans quelle mesure ces outils permettent aux utilisateurs d'Internet de réaliser une veille informationnelle efficace, et d'autre part si les conditions d'un marketing direct amont permettant aux consommateurs de sélectionner les fournisseurs, de mener des transactions sur le Web sont réunis. Nous évoquerons l’adéquation des agents à la macro tendance vers les produits et services en " sur-mesure-de-masse ".Nous nous interrogerons finalement si cette situation permet d'appliquer à ce marketing grand public "inversé" les spécificités du marketing industriel.

Qu'est ce qu'un agent intelligent?

Une abondante littérature existe sur ce thème, avec des optiques très différentes par nature. D'une part celle des chercheurs engagés depuis longtemps dans l'intelligence artificielle (de type MediaLab du MIT), qui, quelquefois agacés par la vogue du concept tentent de montrer qu'il n'y a rien de vraiment neuf et que toute la base des agents repose sur des recherches déjà bien avancées, d'autre part des acteurs sur le marché du Web, de type IBM, Microsoft, .... qui voient bien évidemment les opportunités marketing offertes et proposent des produits. Il y a de plus les créateurs de produits, quelquefois avancés, tentant d'imposer leur standard, les "cyber-marchants" qui souhaitent une explosion des transactions sur les réseaux grâce aux agents, ...etc...

L’idée d’employer des agents comme interface de tâches humaines n’est pas neuve. Certains visionnaires comme Negroponte ont eu cette intuition très tôt. Certains constructeurs informatiques (HP, Apple, Digital, ...) ont utilisé ce thème dès 1990 pour illustrer leur vision.
Si l'on se mets à rechercher sur le Web, à travers un "moteur de recherche" de type Yahoo ou Altavista le mot "intelligent agent", on trouve aujourd’hui environ 5000 références.
Ceci donne une première idée de l'importance actuelle de la communication sur ce thème.

Les agents sont-ils vraiment les nouveaux paradigmes de demain?

Les agents intelligents sont par leur nature à une intersection multidisciplinaire :
- L’intelligence artificielle, avec ses précurseurs de type Weizenbaum et le prototype Eliza
- La vie artificielle, avec ses robots
- L’informatique, avec ses technologies, ses programmes, ses réseaux, ses données
- L’ergonomie cognitive, avec ses relations homme/machine
- L’économie, avec les opportunités du cybermarketing
- La sociologie, avec la problématique homme/communication

Si l’on revient aux termes de base il faudrait d’abord définir l’intelligence ! Nous n’entrerons pas dans ce débat, où alors à la façon de Binet qui la définissait comme ce que mesurait son test de QI ! La systémique peut malgré tout nous éclairer sur ce point :
L’intelligence d’un système plongé dans un environnement complexe peut être définie comme son temps de réponse entre la détection du besoin exprimé (ou du désir latent) de son " client " et la réponse adéquate à ce besoin.

Il y a donc deux faces à l’intelligence d’un agent : Celle tournée vers l’utilisateur, afin de comprendre et d’adapter sa mission, et celle tournée vers le monde extérieur, afin de l’accomplir. Trop peu d’essais théoriques séparent clairement ces deux intelligences.

Quant à l’ " intelligence artificielle " (cette prothèse à la bêtise naturelle comme le déclarait un expert), on la reconnaît le jour où l’on est incapable de distinguer une réponse faite par la machine de celle faite par un humain " caché derrière " (Weizenbaum). On voit clairement la relativité du concept. Une machine peut être assez intelligente pour vous battre aux échecs, sans obligatoirement( ?) parvenir à battre Kasparov !

On peut par ailleurs définir un agent comme un mandataire, chargé d’une mission.

Agents : pour une approche systémique :

Nous parlons de systèmes à plein temps! Systèmes de gestion, système de management, systèmes informatiques... Les systèmes peuvent être classifiés suivant leur "niveau d'intelligence" (Lemoigne) qui définit 7 niveaux que nous avons simplifié en 3:
Au point 0, le système n'a aucune réaction aux événements.
Au niveau 1 d'intelligence, le système est capable de réactions sélectives, comme le thermomètre qui monte et descend en fonction de la température (système régulé).
Au niveau 2, le système est doté de mémoire pour accumuler son expérience, et d'organes de décisions capables de puiser dans cette mémoire, afin d'avoir des réactions sélectives à son environnement. On est déjà là au niveau de la cellule biologique, capable de générer sélectivement un anticorps...
Enfin au niveau 3, le système peut de plus s'auto-inventer des objectifs - et on est alors au niveau de l'individu, de l'entreprise.
La notion de " but ", de finalité du système est fondamentale. Ce but peut être engrammé dans le système, où être dynamiquement adapté en fonction de l’environnement.

Cette schématisation est totalement applicable pour hiérarchiser les propriétés des agents tant sur la face d’intelligence tournée vers l’utilisateur (agent apprenant, ...) que pour la face opérationnelle. Certes l’agent n’arrivera pas totalement à s’auto-inventer un objectif (et ce n’est peut-être pas souhaitable).
La pensée systémique a déjà beaucoup apporté aux biologistes, ce qui fait que les recherches issues de la " vie artificielle " ont souvent intégrées ces apports. Cela est moins vrai de la pensée informaticienne. Il reste à définir une typologie des agents en mode systémique.

Quelle définition donnent les experts ?

AIMA (Artificial Intelligence : a Modern Approach): Tout objet percevant son environnement à travers des détecteurs et agissant sur cet environnement grace à des actionneurs (une définition proche du robot, ou du programme.....)
Maes : Systèmes informatiques qui existent dans un environnement complexe et dynamique, perçoivent et agissent de façon autonome dans cet environnement, et de ce fait réalisent un jeu d’objectifs et de tâches pour lesquels ils sont conçus.
KIDSIM : Une entité logicielle persistante, dédiée à des buts spécifiques.
Hayes-Roth : 3 fonctions : perception des changements dynamiques de l’environnement, actions sur cet environnement, modèles de raisonnement pour interpréter les perceptions, déduire, définir les actions.
IBM : Entités logicielles qui transportent un jeu d’opérations pour le compte d’un utilisateur ou d’un programme, avec un certain degré d’indépendance et d’autonomie, et, de ce fait, utilisent quelques connaissances ou représentations des objectifs ou désirs de leur utilisateur.
Wooldrige-Jenning : un système informatique matériel ou logiciel autonome, social (interaction avec d’autres agents), réactif à l’environnement, pro-actifs.
Franklin/Graesser : Un agent est un système, situé dans un environnement et appartenant à cet environnement, qui perçoit cet environnement , agit sur lui, en poursuivant son propre objectif.

Ceci peut amener à une classification des agents d’après certaines propriétés :

Propriété                                     Signification

Réactif                                        répond en temps adapté aux changements d’environnement
Autonome                                   contrôle ses propres actions
Téléonomique                             ses actions ne sont pas de simples réactions à l’environnement
Temporellement persistant           travaille sans arrêt
Communiquant                           communique avec d’autres agents, dont certains du monde réel
Apprenant                                  adapte son comportement en fonction de ses expériences
Mobile                                       capable de se transporter d’une machine à l’autre
Flexible                                      actions non totalement programmées
Personnalité                               personnalité crédible et états émotionnels

Un agent peut donc être vu comme un serviteur tentant de répondre le plus rapidement possible aux besoins et désirs de son propriétaire (un individu, une entreprise). Confronté au monde externe, il doit adopter un point de vue de serviteur " missionné ". On peut dans ce cadre imaginer une série d’agents, plus ou moins spécialisés, coopérants à l’exécution de missions. Ces missions peuvent être dans le monde réel ou dans le cyberspace.

On voit donc poindre 2 propriétés : l’intelligence, la fonction d’agent (autonomie, autorité déléguée). IL y en a une troisième qui est la mobilité (l’agent réside sur la machine client, ou peut naviguer sur le réseau, de machine en machine, en accumulant les données, en faisant des transactions avec d’autres agents, ...)

Des approches tirées par la demande aux approches poussées par l’offre (pull/push)
L’explosion du WEB a amené les fournisseurs d’offres, à donner d’abord accès à l’information en mode " pull ".
L’utilisateur va de lui même à la recherche d’informations. Le langage HTML, qui a fait le succès du WEB, permets par un simple " clic " de naviguer de pages en pages.
Puis sont apparus les moteurs de recherche, de type Yahoo  ou  Altavista , permettant de rechercher par mots-clés tous les sites ou pages intéressantes, en affinant la recherche par des fonctions ET et OU. Mais face à l’explosion informative, cela ne suffisait pas.

Sont apparues alors des approches " push", tentant d’envoyer aux utilisateurs des informations correspondant à leur " besoin ".
Il est à remarque que l’historique des produits industriels est inverse. On a d’abord commencés à " pousser " une offre et l’on s’est, bien plus tard, intéressé au besoin client, pour faire des offres plus adaptées au marché, dans une approche " tirée " par le client.
Ceci est sans doute du à la concurrence immédiate qui s’est exercée sur le Web entre les acteurs, et à l’économie du Web, qui, tant que les transactions électroniques n’explosent pas, ne vit que par la publicité.

Deux approches existent :
a) Permettre à l’utilisateur d’exprimer son besoin (sujets d’intérêt, périodicité, ....). Il reçoit alors, dès qu’il se reconnecte, des informations ciblées, accompagnées en général d’une publicité ciblée sur ses sujets d’intérêt....
           Des exemples sont par exemple Pointcast, My Yahoo, .........Ceci permets par ailleurs de leur faire de la publicité " personnalisée ".
D’autres agents, de type Autonomy, permettent de s’exprimer en langage " naturel " (je recherche tous les renseignements sur Microsoft, surtout ceux concernant les agents...), et envoient sur le réseau des " meutes " qui, de site en site, collectent l’information et la ramène sur le disque dur de l’utilisateur, qui peut se livrer à d’autres activités entre-temps.....
Ceci a permis d’éclosion de nombreuses sociétés se proposant aux entreprises comme intermédiateurs pour faire de la revue de presse sélective, de la veille ciblée, marché temporaire profitant de la non généralisation des outils.

b) Détecter, d’après leur utilisation habituelle, en regardant " par dessus leur épaule " ce qui intéresse les utilisateurs et leur renvoyer l’information correspondante. Ceci suppose souvent l’existence de moteurs d’inférence. C’est sans doute là la discipline d’avenir, où l’agent va, comme un assistant réel, découvrir mes façons de faire, mes rythmiques, mes besoins, ma sélectivité, et modifier dynamiquement mon interface pour m’offrir un outil toujours plus adapté.

Un agent transportable doit par ailleurs vivre dans un environnement de réseau hétérogène. Ce modèle est plus efficace selon Dartmouth College que les concepts classiques client/serveur : moins de consommation réseau car ils transportent leur programme plutôt que les données vers un programme, tolérance aux pannes de réseau car ils n’impliquent pas une connexion permanente, ...etc...

Quelques systèmes actuels permettant de programmer les agents mobiles :
Telescript de General Magic, HotJava de Sun Microsystems, Obliq de Digital, Safe-Tcl, ARA de l’Université de Kaiserslautern, Tacoma de Cornell.
Les développements Java ont amené IBM à créer le néologisme Aglet (Agent Applet)

Bataille de standards

Le premier fournisseur de navigateur qui offrira à l’utilisateur toutes ces fonctionnalités intégrés risque de devenir un " standard de fait ". De grandes batailles se livrent actuellement sur ce thème.
- Le navigateur doit bien sur me permettre les fonctions actuelles de recherche spontanées en mode " pull "
- Il doit de plus me permettre d’exprimer un ensemble de champs d’intérêts (je m’intéresse au cognitif, aux agents, au jazz, aux correspondances avec des personnes intéressantes, aux actions XXX, à Claudia, ....) pour m’offrir, aux heures où je me branche, des synthèses sur ces sujets.
- Il doit pouvoir suivre mes actions sur mon micro, ma " vitesse de lecture ", mon style d’interaction, ma façon de répondre au courrier, ou de ne pas répondre, et simplifier ainsi mon interface, afin d’aboutir à un interface enfin convivial ou, en deux clics maximum, j’obtiens une réponse dont la valeur est supérieure à mon effort.
- Il doit être capable de me suggérer des actions, de tester mes réactions à ces suggestions, de s’adapter.
- Mon agent principal, que je pourrai éventuellement visualiser sous la forme d’une face (souriante, réfléchie, inquiète, .....) où d’un animal domestique, saura me donner des explications sur ses conduites (je t’ai supprimé l’icône X car cela fait 4 mois que tu t’en n’est pas servi....)
Une étude récente Koda/Maes sur les agents avec un visage montre les avantages et inconvénients des représentations réalistes/caricatures/smiley/animales.
- Je dois pouvoir lui parler sous un forme libre, il doit donc posséder une " intelligence " de décodage
Une expérience passionnante dans ce cadre est celle de Julia, un agent autonome (Mauldin à Carnegie-Mellon) qui possède des propriétés de discussion très élaborées avec l’utilisateur, qui a des états d’âme, des sentiments, une très bonne mémoire, qui se rappelle avec qui il a parlé, les interactions, les conversations précédentes, .......
- Les agents intégrés doivent bien sûr suivre les " lois de la robotique " d’Asimov, et doivent développer une intelligence commerciale et juridique dans ce cadre qui font que leur action ne puisse jamais se retourner contre leur propriétaire.....
D’autres batailles de standard portent sur les protocoles de conversation inter-agents, sur les environnements de programmation des agents (aglets et autres, Java ou Telescript, ...)

Les agents, outils indispensables dans un monde communicationnel.

Internet est désormais un phénomène explosif, avec ses conséquences pour ses utilisateurs. De l’accès aux données au commerce électronique, de la veille concurrentielle aux jeux du cyberspace, ses promesses ne seront jamais accomplies si on ne trouve pas de façon de gérer l’  " opulence communicationnelle "
Pour Abraham MOLES, l’opulence communicationnelle correspond à un monde où la somme des médias et des messages est largement supérieure à la somme des besoins et des désirs des acteurs. Cela transforme chacun en un surfeur, un zappeur, prenant des bribes d’information dans chaque média, sur des critères qui ont été par ailleurs étudiés (fiabilité, répétitivité, " chaleur ", prégnance,...)
Qui ne s’est pas heurté dans ce cadre au conflit temps/rentabilité ? On peut certes passer ses nuits à surfer sur le WEB , à rechercher des correspondants ou des informations utiles. Mais le ratio effort/bénéfice fait que l’on abandonne souvent, avec une frustration devant ces données utilisables, mais que l’on n’a pas le temps d’accéder. Le problème est semblable pour l’entreprise.
Les agents intelligents vont provoquer une révolution des habitudes : Ces logiciels assistants, qui permettent aux utilisateurs de déléguer ce qu’ils devraient autrement faire eux-mêmes, peuvent automatiser, simplifier, apprendre, et trouver des réponses sans se heurter à la complexité.
Les agents intelligents sont des logiciels qui agissent en lieu et place des acteurs. Face à la complexité d’Internet, qui reflète celle du monde physique, ils jouent le rôle d’assistants semblables à des assistants personnels (réels)dans le monde réel. Ces agents peuvent automatiser des tâches répétitives (tel que repérer les pages intéressantes sur le WEB), se souvenir de choses oubliées, résumer intelligemment des données complexes, apprendre de vous, vous faire des recommandations.

Les agents aujourd’hui, pourquoi ? pourquoi faire?

1) Les applications sont si riches que les utilisateurs ne les maîtrisent plus
" Les ordinateurs sont désormais aussi répandus que les voitures ou le grille-pain, mais les utiliser suppose un entraînement de pilote supersonique " (Maes). La distance entre des millions d’utilisateurs inexperts et un nombre équivalent de microprocesseurs sophistiqués apparaît comme évidente. Quelle différence entre le téléviseur, où, en appuyant sur un bouton, toutes les images du monde me sautent à la figure et l’ordinateur que j’allume ou " rien ne vient " sans effort. Mener une action sur un ordinateur peut prendre un temps infini.
Les agents, qui vont connaître les intérêts de leur utilisateur vont travailler pour eux. Chacun aura ainsi des alter-ego, travaillant pour soi en différents lieux, jouant le rôle de secrétaire, de représentant, d’acheteur, d’assistant, ...
On peut par exemple créer un agent qui trie le courrier arrivée, en fonction de l’émetteur, en fonction de l’occurrence de certains mots (réunion, ...)
2) Les sources d’information augmentent de façon exponentielle
Les agents, par des techniques de type " data mining " vont rechercher l’information significative
3) Les bandes passantes des réseaux augmentent, mais on a un temps limité pour les utiliser.....
Les agents vont réguler le flot d’information
4) Les puissances machines actuelles permettent de mettre plus d’intelligence locale au service de l’utilisateur
5) Les universités et les centres de recherches sont au seuil de pouvoir mettre sur le marché le fruit de leurs avancées dans des domaines afférents (Intelligence artificielle, ....)et beaucoup de ces produits peuvent déjà être obtenus gratuitement sur le réseau
D’après Gilbert, 1997/98 seront des années explosives sur ces thèmes. Déjà plus de 80 sociétés fournissent des logiciels et des services utilisant des agents. Les dates prévisibles pour une généralisation sont 99 pour les assistants administratifs, 2000 pour les agents de commerce électronique, 99 pour les accès aux informations par des techniques de data-mining, 98 pour une gestion des E-mails par agents, 99 pour de nouveaux interfaces homme/machine.....

Si on regarde à titre d’exemple ce qu’une société comme IBM commercialise aujourd’hui on trouve :
- World Avenue, système d’achat électronique sous Internet qui utilise les agents pour repérer les habitudes d’achat et permettre le " micro-merchandizing ". Ce système utilise un agent, " Intelligent Miner " qui utilise des techniques avancées, dont les réseaux neuronaux, pour analyser les informations.
- Lotus Notes possède des agents permettant l’automatisation de nombreuses taches (messages automatiques, classements, priorités, recherche automatique périodique sur des mots-clés, .....
- WBI (Web Browser Intelligence) permets à l’utilisateur Web de se rappeler ce qu’il a déjà trouvé, le temps de réponse des sites visités, grace à des agents intégrés
- Knowledge Utility, permets de connecter des connaissances inter-disciplinaires
- Information Overload Assistant, pour réguler le flow des E-Mails
- Aglets : Ce mot, inventé suite au mot applet (petites applications écrites en JAVA), référence des agents écrits en JAVA (Agent Applets). De nombreux agents de ce type sont déjà téléchargeables.

Acheter, Vendre.....

De nombreux services sur le WEB aident les utilisateurs à acheter, mais très peu automatisent les processus d’achat et de vente. Une expérience intéressante est celle du système KASBAH (MAES/MIT) qui permets de créer des agents acheteurs, vendeurs, de créer une place de marché où les transactions auront lieu. Les vendeurs sont pro-actifs, allant sur la place de marché, se vendant eux-mêmes, contactent les parties intéressées et négocient le meilleur marché possible. On lui paramètre la date optimale de vente, le prix demandé, le prix au plus bas, la tactique de négociation (algorithme de diminution des prix sur les bases linéaire ou quadratique ou....) L’utilisateur garde un contrôle permanent, peut demander d’être informé pendant la négociation. Les agents enregistrent par ailleurs toutes leurs " conversations ".
De même on paramètre l’agent acheteur. Les applications sont nombreuses, tant pour les biens de consommation que les valeurs financières, les actions, .....Cette expérience a été développée sous Telescript.
La disparition du contact humain dans la négociation peut avoir des cotés négatifs, mais beaucoup d’aspects positifs (suppression des incompréhensions, de barrières linguistiques, ...)
Ceci ouvre des voies de recherche sur les nouvelles techniques de marketing induites. Le consommateur est désormais libre de définir ses besoins ou de les masquer, la publicité, au lieu d’être " de masse ", devient sur-mesure.
La tentation est forte pour les vendeurs de " forcer la porte " de l’utilisateur, en le polluant, par messagerie ou panneaux Web, de nombreux messages, mais l’utilisateur peut désormais filtrer à volonté.
Comment dans ce cadre être sur qu’une novation va franchir la barrière ? L’utilisateur, enfermé dans son propre modèle, risque de voir sa créativité de consommateur freiné par l’existence des barrières qu’il a généré.

Sur-Mesure-De-Masse et Réseaux Informels

Une des grandes mutation actuelle est l’explosion de la demande de produits " mass-customized " (Pine). Le consommateur veut désormais un produit ou un service sur-mesure, au même prix qu’un produit de masse, sans négliger la qualité. Un récent article des Enjeux (Mai 97) montre la fin de la standardisation dans l’hôtellerie, les voitures, les bicyclettes, les coiffures, les chaussures, les jeans, les journaux (le journal First ! est fait entièrement sur mesure, à la lumière des attentes de l’acheteur). Indépendamment des mutations profondes que cela implique en production dans les métiers matériels, les agents fournissent de puissants outils aux entreprises pour à la fois connaître leurs consommateurs potentiels et leur offrir un produit adapté.
Une autre macro-tendance est celle des réseaux informels. Dans un monde suffisamment stable, des réseaux figés conviennent : on sait ou s’adresser, à qui, pour quoi..... Dans un monde éphémère, instable, ce sont les réseaux dynamiquement reconfigurables qui sont efficaces. Ceci trace la limite des outils permettant aux consommateurs , aux organisations d’exprimer leurs besoins. Ceux-ci changent, les finalités aussi, les cibles sont variables, non définies, souvent non exprimables. Il faut récupérer des " bruits " et les transformer en " information ". C’est dans ce domaine que les agents issus des recherches de l’intelligence artificielle ou de la vie artificielle vont être les plus efficaces : trouver pour moi les réseaux dont j’ai besoin, négocier les contacts, me permettre (ou à mon entreprise) d’être présent dans les multiples réseaux informels du monde moderne.

Conclusion

Les applications des agents intelligents sont multiples. N’ont de plus pas été abordés ici leurs applications évidentes dans le domaine des loisirs, mondes virtuels ou le joueur interagit avec des agents, films animés grâce à des agents, ...etc...
Les agents intelligents reposent toutes les questions présentes depuis le début de l’informatique :
Relation homme données (langages, différence information/donnée, cohérence, documentation), homme /programme (transactions, définition d’objectifs, ...), homme/ réseaux (où trouver l’information), interfaces homme/machine (langages, systèmes apprenants, systèmes experts, icônes, smileys, ...).
Ils obligent les acteurs à se prononcer sur leurs objectifs, sur leurs buts, ce qui n’est pas sans problèmes.
Ils sont surtout la condition nécessaire pour avoir une vrai explosion de l’informatique grand public. Certes aux Etats-Unis, chacun va avoir désormais son E-Mail. Mais si l’on veut un vrai développement, il faut des outils intelligent d’accès à l’information et à l’action, apprenant de leur utilisateur le langage optimal à employer, pour que faire de l’informatique soit (enfin ?) aussi simple que d’appuyer sur sa télécommande de téléviseur.

Bibliographie sommaire

-Asimov, I (1987), The robot trilogy, Ballantine Books, New York.-
- David, J. F. (1993), " Comment faire du " sur-mesure de masse " : mise en perspective de Pine, Victor et Boynton in Harvard - L'expansion, Hiver 93.
- David, J. F. (1991), " Compétitivité et information " in Systèmes d'information, CEPP, Paris.
- Don, A. (1992) " Anthropomorphism: From Eliza to Terminator 2, panel description " in Proceedings of the CHI'92 Conference, ACM Press.
- Dubois P. L. (1989) " Publicité " in Encyclopédie de gestion, Tome 3, Economica , Paris, pages 2427-2465
- Franklin, S. (1995), Artificial Minds, Cambridge, MA: MIT Press
- Franklin, S.et Graesser, A. (1996). " Is it an Agent, or Just a Program ? : A Taxinomy for Autonomous Agents " in Proceedings of third International Workshop on Agent Theories, Springer-Verlag
- Gibert, D. (1997) " The future of intelligent agents " in http://www.research.ibm.com/iagents/
- Krackhardt, D., Hanson, J. R., (1993) " Informal Networks : the Company Brehind the Chart " in Harvard Business Review, Volume 35, n° 3.
- Hayes-Roth, B. (1995). "An Architecture for Adaptive Intelligent Systems," in Artificial Intelligence: Special Issue on Agents and Interactivity, 72, 329-365, .
- Hirschheim, R., Klein, H. et Lyytinen, K. (1995), Information Systems Development and Data Modeling : Conceptual and Philosophical Foundations, Cambridge University Press.
- Janca P. (1997) " Intelligent agents" in http://www.research.ibm.com/iagents/
- Kozierok, R. and Maes, P. A Learning (1993) " Interface Agent for Scheduling Meetings " in ACM SIGCHI International Workshop on Intelligent User Interfaces, ACM, Orlando, Florida, January, 1993.
- Le Moigne J.-L. (1984) Théorie du Système Général, PUF, Paris.
- Le Moigne J.-L. (1990) La modélisation des systèmes complexes, Dunod, Paris.
- Maes, P. (1990) ed., Designing Autonomous Agents, Cambridge, MA: MIT Press
- Maes, P. (1994) "Agents That Reduce Work and Information Overload," in Communications of the ACM. Vol. 37, No. 7, ACM Press: New York
- Maes, P. (1995), "Artificial Life Meets Entertainment: Life like Autonomous Agents," Communications of the ACM, 38, 11, 108-114
- Minsky, M. (1985), The Society of Mind, New York: Simon and Schuster
- Moles, A. (1995) Les sciences de l’imprécis, Le Seuil, Paris.
- Moles, A. (1986) Théorie structurale de la communication et société, Masson, Paris.
- Monod, E. (1996), Efficacité du développement des systèmes d’information : le cas de la transformation d’IBM France (1965-1994), Doctorat à l’Ecole Nationale Supérieure des Telecommunications, décembre, Paris.
- Negroponte, N. (1970) The Architecture Machine; Towards a More Human Environment, MIT Press
- Negroponte, N. (1995) Being Digital", The Alfred A. Knorpf: New York
- Pine, J.(1993) Mass Customization Harvard Business Scholl Press
- Pine J., Victor et Boyton, A. (1993) " Making mass customization work " in Harvard Business Review Sept
- Russell, S. J. et Norvig P. (1995), AIMA Artificial Intelligence: A Modern Approach, Englewood Cliffs, NJ: Prentice Hall
- Smith, D. C., Cypher A. et Spohrer J. (1994), "KidSim: Programming Agents Without a Programming Language," in Communications of the ACM, 37, 7, 55-67
- Tixier, D. (1989) " Le marketing direct amont ", in Encyclopédie de gestion, Tome 3, Economica , Paris, pages 1738-1753
- Wooldridge, M.et Jennings, N. R. (1995), "Agent Theories, Architectures, and Languages: a Survey," in Wooldridge et Jennings Eds., Intelligent Agents, Berlin: Springer-Verlag, 1-22

Quelques sites sur le Web comportant des informations de synthèse sur les agents intelligents
La multiplicité des sites interdit de les citer tous. On trouvera des " white papers " intéressants et des pointeurs
vers d’autres sites sur :
http ://www.research.ibm.com/iagents/ (particulièrement les articles de P.Janca et de D.Gilbert)
http ://agents.www.media.mit.edu/groups/agents (particulièrement les contributions de Patty Maes)
http://www.botspot.com/ (pour trouver un catalogue et des pointeurs vers tous les agents...)
http://www.veille.com ( pour trouver des forums français sur les agents)

                                                                     © Jean-François David

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