Vitesse, transversalité, NTIC et glissement de métiers, Qualité, cohérence stratégique, re-ingéniérie ou incrémental, sur mesure de masse, cohérence culturelle, réseaux informels, que dire de ces concepts fondamentaux ? La petite " promenade " conceptuelle qui suit ne vise qu’à évoquer ces thèmes, à donner envie d’approfondir…
Maîtriser le changement ?
Il y a une dizaine d'années, plusieurs dirigeants de grandes entreprises bancaires et industrielles françaises décidaient de réunir leurs cadres les plus dynamiques, dans le sud de la France, pour travailler sur les ressemblances et les divergences des politiques et des cultures dans ces deux secteurs. Ce séminaire de réflexion était intitulé "Maîtriser le changement". Un invité, lors d'une soirée de travail, était le philosophe Bernard Henry Levy. Celui-ci, à travers de nombreuses références, voulut démontrer l'inanité du titre, et donc sans doute de l'objectif de la réunion. En effet, comment serait-il possible de "maîtriser le changement", qui ne se constate que lorsqu'il a eu lieu ?
Tout changement réel suppose une mutation profonde dans les grilles de décodage du monde, dans les modèles mentaux, dans les paradigmes de tous les acteurs. Aussi à l'écoute des mutations du monde, le changement ne se contente pas d'une nouvelle vision, mais doit atteindre le "câblage" le plus profond, vers une cohérence suffisante entre la vision, les objectifs, les façons de faire, les projets, les outils utilisés, .... Nous appellerons cette problématique la cohérence stratégique. Comment par ailleurs utiliser les méthodes de l’état B, condition indispensable pour atteindre cet état, alors que nous sommes dans l’état A, avec les méthodes de A, incapables de penser dans le mode B ?
Ainsi, ne pouvant "maîtriser le changement", quelle action mener,
par où commencer, comment décider ? C'est toute la problématique
de la décision qui est alors en cause.
Les décisions sont-elles rationnelles, prises par les dirigeants, en fonction d'analyses de l'environnement, de la mise en place de systèmes d'aide à la décision, (modèle rationnel), basées sur les opinions, les pouvoirs et les intérêts des acteurs en place (modèle stratégique), issues "mécaniquement" de ce qu'est l'organisation à un instant donné (modèle émergence)? Vaste débat pour les théoriciens de la décision.
Compétitivité, quelles clés ?
Cela fait par ailleurs des années que les vendeurs de solutions informatiques
fantasment sur la possibilité de prouver une corrélation entre
la compétitivité des entreprises qui s'équipent et la
puissance informatique installée dans ces entreprises. De nombreuses
études ont été faites, aboutissant à un nuage
de points où l'on voit peu d'entreprises hyper-compétitives
non équipées, de nombreuses entreprises très équipées
et très concurrentielles et... de nombreuses entreprises très
informatisées et non compétitives ! Ceci peut expliquer le désengagement,
progressif... et souvent dommageable, des directions générales
face aux décisions informatiques.
On pourrait alors penser que le facteur clé corrélé à
la compétitivité n'est pas l'utilisation optimale des NTIC,
mais le facteur humain, ou le type d'organisation. Une immense littérature,
de type Harvard, promeut de multiples théories d'organisation, le
transverse, la pyramide inversée, le management matriciel, par la
culture, ..... Ces documents sont étayés de multiples "success
stories", prouvant les théories exposées. Mais on a bien l’intuition
qu’aucune de ces théories n’apporte la solution finale.
Et bien, et les entreprises le vivent, c’est sans doute dans la fine articulation
de ces trois facteurs que l’on peut trouver la solution, qui semble une évidence,
mais dont la mise en place n’est pas simple…Cela se nomme la cohérence
stratégique…
Vers la cohérence stratégique
La cohérence stratégique, sur laquelle nous reviendrons,
est une première piste. On peut modéliser la problématique
d'entreprise grâce à quatre quartiles :
Ses Stratégies, son Organisation, les Technologies (particulièrement
les NTIC), ses Projets
Dans l'Organisation, nous mettrons 3 éléments
clés :
- les activités de l'entreprise, sa chaîne de
valeur, ses "verbes" (invente, produire, vendre, financer, ...)
- les structures de l'entreprise, ses "noms"
- les hommes de l'entreprise
Quelques questions ouvertes de cohérence....
- Dotée d'une stratégie, l'entreprise va en général rechercher les technologies qui servent ces stratégies. Mais combien font la démarche inverse, veillant systématiquement les technologies émergentes et inventant en permanence de nouvelles stratégies permises par ces technologies?
- Supposons par ailleurs que l'entreprise possède une liste fiable de ses activités, de ses processus (une trentaine). Lors d'une réunion de direction, demandons à chacun des acteurs : "si on devait se consacrer à 2 ou 3 de ces processus, pour les optimiser, les améliorer, les transformer, par des investissements humains, organisationnels, financiers, technologiques, lesquels seraient-ils ?". On constate qu'il n'y a presque jamais de consensus sur les processus clés, ce qui rend suspect tous les projets, tous les plans d'investissements......
Ces deux exemples illustrent un manque de cohérence stratégique. Il n'existe pas, bien sur, d'entreprise totalement cohérente sur ces points, d'autant plus que tous ces facteurs bougent à des vitesses variables (une technologie tous les jours, une stratégie tous les 2 ans, les temporalités des actions sur les structures, sur les processus, sur les hommes, sur les projets sont très variables...). Mais on peut se donner la cohérence comme un objectif permanent.
Une vision systémique.....
On peut par ailleurs considérer l'entreprise comme un "système", plongé dans un environnement complexe. Les théories récentes du chaos montrent assez bien la difficulté d'agir en milieu complexe, où une très légère variation de l'environnement peut conduire à des conséquences non prédictives.
Nous parlons de systèmes à plein temps !
Systèmes de gestion, système de management, systèmes
informatiques... Les systèmes peuvent être classifiés
suivant leur "niveau d'intelligence" :
Au point 0, le système n'a aucune réaction aux
événements.
Au niveau 1 d'intelligence, le système est capable
de réactions sélectives, comme le thermomètre qui monte
et descend en fonction de la température (système régulé).
Au niveau 2, le système a su(?) se doter de mémoire
pour accumuler son expérience, et d'organes de décisions capables
de puiser dans cette mémoire, afin d'avoir des réactions sélectives
à son environnement. On est déjà là au niveau
de la cellule biologique, capable de générer sélectivement
un anticorps...
Enfin au niveau 3, le système peut de plus s'auto-inventer
des objectifs - et on est alors au niveau de l'individu, de l'entreprise.
On peut donc "regarder" une organisation comme un système, plongé dans son environnement. Or cet environnement externe devient de plus en plus complexe. L'entreprise IBM s'est intéressée, il y a quelques années, à faire s'auto-exprimer les organisations sur "de combien cela se complique tous les ans"... avec l'intuition qu'il faudrait bien quelques ordinateurs pour gérer cette complexité croissante. Ces études demandaient aux entreprises d'imaginer un monde où, d'une année sur l'autre, les volumes, les hommes, les procédures seraient identiques... Toutes les organisations, quel que soit le secteur considéré, industrie, banque, administration, avouaient alors que la complexité de gestion augmentait tous les ans, de l'ordre de 5%. D'où viennent ces 5 % mystérieux ?
L'entreprise étant dans un système "ouvert",
elle doit s'adapter chaque année, qui à un nouveau plan comptable,
qui à une nouvelle législation, qui à une nouvelle concurrence...
Face à cette complexité croissante, l'organisation
essaye de rester intelligente. Il existe une très bonne définition
de l'intelligence opérationnelle. C'est le temps de réponse
entre la détection d'un besoin (ou d’un désir…) et l'émission
de la réponse appropriée.
Il existe de multiples exemples d'organisation où la notion de vitesse devient plus cruciale quelquefois que les notions de profit ou de croissance. Quand un constructeur automobile japonais développait ses véhicules en moins de 2 ans (et avait un plan pour descendre à 1 an !) alors qu'un constructif européen en était à 3/4ans, cela pouvait faire décider de "perdre" temporairement quelques points de croissance ou de profit si l'on pouvait gagner, même avec des investissements importants, un an sur la vitesse. Une fois ces réformes accomplies, d'autres problèmes de même type se posent, pour la logistique (passer de 45 jours à 15 jours...),... Par analogie, toutes les organisations sont concernées... De nombreuses publications existent sur ce thème. On parle désormais de "time based strategy", un bon exemple étant la société de distribution WalMart.
Ce que nous apprend la théorie des systèmes, c'est que, plus un organisme veut être "réactif" à son environnement, plus il est amené à sophistiquer sa communication interne. De la même façon que la cellule "s'invente" l'ARN-m pour se reprogrammer, chacun dans l'organisation reçoit de plus en plus de messages, de papiers, de communications, qui ne sont que les symptômes de ce que tente de faire l'entreprise, pour rester intelligente face à l'environnement complexifié. Cela s'appelle, dans la littérature managériale, la dématérialisation des activités. Chacun passe de moins en moins de temps à générer de la valeur ajoutée et de plus en plus à communiquer. C'est l'explosion, quel que soit le secteur économique, du tertiaire de communication.
La vitesse
L'intelligence d'une organisation peut donc se mesurer au temps de réponse
entre la détection d'un besoin (voire l'anticipation du désir)
d'un marché, d'un client et l'émission de la réponse
appropriée (réactique, pro-actions,...)
L'entreprise, qui combattait sur le double terrain du profit et de la croissance
doit désormais considérer également le troisième
axe de la vitesse : en combien de temps suis-je capable de développer
un nouveau service, de faire tourner mes stocks, mon capital ?..... La notion
de "speed", de vitesse prend un poids particulier. Se doter des conditions
pour annoncer un nouveau produit ou service au moment adéquat, pour
devenir une entreprise agile devient crucial. On voit alors que moins que
le produit et service est alors interpellée l’excellence du mécanisme,
des processus capables de les fournir rapidement. Les organisations
modernes par projets, l’ingénierie concourante,…procèdent du
même constat.
La transversalité
" Les organisations ne sont pas faites pour servir le
client, mais pour préserver l'ordre intérieur.
Pour le client, non seulement l'organisation lui est de
peu d'utilité, mais elle est souvent une barrière.
Les organigrammes sont verticaux, servir le client est
horizontal et transverse".
(G. Fisher, CEO, Motorola)
Cette phrase est au cœur du débat, et justifie pleinement les efforts
actuels des entreprises sur le transverse, les processus, le management matriciel,
la re-ingéniérie....
Interfonctionnalité....
Avec des sensibilités différentes les entreprises japonaises
ou occidentales arrivent aux même conclusions. Les organisations sont
structurées verticalement, en structures, mais les problèmes
les plus cruciaux ne sont pas là : ils sont horizontaux et inter-fonctionnels.
Vitesse de développement, qualité, diminution des délais,...
tous ces objectifs demandent des traitements "coopératifs" entre les
services de développement, de production, de commercialisation. On
peut ainsi définir l'intégration comme "la maîtrise de
l'inter-fonctionnalité". L'entreprise a déjà tout essayé
pour résoudre ces problèmes :
- On peut nommer un responsable fonctionnel, avec "tous pouvoirs" pour résoudre
le problème mais... on découvre que ce fonctionnel ne gagne
pas souvent dans ses conflits avec les opérationnels "verticaux", d'un
niveau hiérarchique supérieur...
- On peut penser que la dynamique Qualité est, par son mécanisme
de négociation client/fournisseur, faite pour "décloisonner"
une organisation verticale mais... la somme de "sous-optimaux" créés
par les groupes et cercles de Qualité ne donnera sans doute pas un
optimal pour l'ensemble du processus.
- On peut charger un informaticien ou un organisateur de "ré-analyser
le système d'information" mais... il va souvent, par ce biais, "durcir"
un processus qui n'est pas obligatoirement optimal, et donc éventuellement
empêcher sa simplification ultérieure.... Quelle solution pour
maîtriser enfin l'interfonctionnalité ?
La maîtrise des processus, un concept moderne...
L'idée créative est de regarder l'entreprise, non pas sous l'angle de ses structures, toujours adaptables et changeants, mais sous l'angle de ses activités, de sa chaîne de valeurs de ses processus, dont la liste exhaustive représente les métiers de l'entreprise. Parmi ses 50 activités de base, quelles sont celles qui contribuent le plus à la réussite des stratégies (de profit, de vitesse, de croissance...) ?
L'entreprise qui fait cette priorisation de ses leviers dispose (enfin ?) d'un outil puissant pour détecter les processus-clé, internes ou externes, à mettre sous contrôle, à optimiser par de l'organisation, de l'implication, de la qualité, de la simplification, de l'informatisation. Un projet stratégique sera un projet qui optimise un processus stratégique. Si par ailleurs on dispose d'un système de justification économique des projets, on a facilement une visualisation permanente pour les décideurs, de la dialectique stratégique vs rentable... Toutes les études faites montrent que les processus les plus stratégiques sont presque toujours les plus inter-fonctionnels, dont ceux qui jusqu'à présent étaient les plus négligés, car aucune structure n'en défendait l'intérêt...
Dans certains cas, les techniques de maîtrise ne suffisent pas, la distance à parcourir est trop grande pour obtenir la satisfaction du client du processus, on passe alors aux techniques de re-ingéniérie, cette reconception totale des processus au service de leurs vraies finalités, le client.
Speed et Stress
Par ailleurs une organisation est composée d'individus...et il est démontré (chronopsychologie) qu'un individu a une capacité limitée d'absorption d'information (1 info par seconde en moyenne). Certes cette information n'est pas la même pour tous, elle est à des niveaux de synthèse plus ou moins sophistiquée, mais on aboutit au triste constat qu'une organisation, en fonction du niveau culturel de ses acteurs, a une limite supérieure de traitement d'information...
Que font les acteurs lorsqu'ils touchent cette limite ? Soit ils ne traitent plus, ce n'est plus de l'information, c'est du bruit, et l'information se perd... soit ils stockent dans leur tête, mais cela déborde souvent. Alors ils prennent des notes, et se retrouvent avec, à gauche de leur bureau, la liste des choses à lire ou à faire, et à droite de leur bureau, la liste des choses à faire lire ou à faire faire. Ces piles grandissent, et il est évident que cette information qui dort est un frein, peut-être le frein, à la réactivité des organisations...
L'accélération de la communication interne fait de chacun des acteurs un arbitre permanent, qui décide des priorités de sa "file d'attente" entre l'urgent que l'on traite, le moins urgent que l'on enterre, ...etc... Il sait bien au fond de lui-même qu'il ne fera pas tout, qu'il ne peut à chaque instant être le parfait gestionnaire, le parfait manager, ..... Il va décider de ce qu'il laisse "sous la pile". Si ces choses ne ressortent pas à la fin de l'année, il décide qu'il a fait les bons choix !!!
La direction développe sur ce thème un double langage très dommageable, faisant croire que la liste des choses à faire va être faite, mettant en place des organisations, des informatisations, des procédures dans ce sens, alors que chacun des acteurs, n'exécutera qu'une partie non prédictive de ces tâches, en tentant de préserver sa "bulle temporelle".
Il semble que toute entreprise soit désormais une grande mécanique de transformation du speed (besoins accrus de réactivité) en stress (accumulation des tâches, urgences, importance, gestion des priorités, du temps...).
5 scénarios face à l'explosion du tertiaire de communication
Quels sont les 5 scénarios possibles pour les organisations, pour augmenter le speed en diminuant le stress ?
* L'embauche ou la reconversion : elle permet d'affecter plus de gens à
traiter de l'information. Quand les contraintes financières ne le
permettent pas, on reconvertit "subrepticement" les acteurs à passer
de moins en moins de temps à générer de la valeur ajoutée
et de plus en plus de temps à faire du tertiaire de communication
!
* La formation : elle permet à chacun d'accroître son aptitude
à traiter de l'information plus synthétique, plus intelligente.
* L'organisation : on peut - et souvent on doit, malgré le fait que
les approches "tayloriennes" n'ont pas bonne presse - réorganiser périodiquement
tout ou partie de l'entreprise pour trouver des structures de fonctionnement
plus efficaces. D'énormes économies d'échelles peuvent
être faites dans le domaine souvent non abordé du tertiaire
de communication, grâce aux technologies informatiques.
* L'informatisation : l'ordinateur est un des outils clé pour permettre,
si les solutions sont bien conçues, d'augmenter le speed des organisations
tout en limitant le stress des individus...
* La qualité : l'organisation taylorienne trouve toujours ses limites.
L'idée qu'un organisateur, qu'un informaticien, qu'un innovateur puisse
trouver la bonne organisation, valable pour tous, dans un monde en changement
permanent est une illusion. Seul le personnel, à la base, est capable
d'adapter l'organisation, qui devrait être "semi-finie", à la
réalité changeante, en inventant, de façon permanente
sa propre "micro-organisation".
Difficile équilibre
Le problème est que, bien souvent, il y a un "terrorisme intellectuel" de chacun de ces scénarios. Certes de grandes réformes sont à faire des organisations, mise en place de systèmes de planification stratégiques et opérationnels, modification des "systèmes de management", certes il faut sans doute améliorer les systèmes d'information et augmenter le taux d'informatisation, certes rien ne se fera si l'on n'arrive pas à "mobiliser l'intelligence" des acteurs. Les 5 scénarios sont évidemment tous indispensables et complémentaires.
Les organisations qui réussissent sont celles qui arriveront à trouver leur point d'équilibre entre ces scénarios, et surtout l'articulation entre les scénarios "top-down", réformistes, organisationnels, et le nécessaire appel au "bottom-up", à la créativité montante. Très souvent les organisations possèdent les deux scénarios, qui vivent indépendamment, mais ont rarement trouvé la façon de les articuler de façon cohérente. Au fond, l’organisation ne devrait fournir que des produits " semi-finis ", laissant un pouvoir de finissage aux acteurs opérationnels.
En informatique le problème est d'ailleurs analogue pour trouver, à chaque instant de la technologie, le "bon" point d'équilibre entre ce qui relève de l'informatique "centrale", garante de la cohérence et de la communication, et le niveau de liberté à laisser aux utilisateurs, sur leurs micro-ordinateurs ou leurs infocentres...
Ceci est compliqué par les aspects psychologiques, les décisions étant, curieusement, rarement rationnelles dans ces domaines. Entre les apôtres "parentaux" de la cohérence totale et les créatifs "infantiles" de la convivialité, il est souvent temps de dépassionner le débat, en faisant la synthèse complexe de ces nécessités dans un débat enfin "adulte"...
Technologies explosives
Par ailleurs les technologies explosent dans de nombreux domaines : Biotechnologies,
Physique du solide, Spatial, .... Parmi les technologies, les technologies
de Traitement de L'Information, souvent appelées Nouvelles Technologies
de l'Information et de la Communication (NTIC) jouent, et c’est une banalité
de le rappeler, un rôle privilégié :
- dans le domaine du stockage, de la mémoire, des disques optiques
aux cartes à mémoire, de l'archivage d'image aux banques de
données, des films aux encyclopédies .....
- dans le domaine du calcul, du traitement, des systèmes experts aux
nouveaux langages, du calcul intensif au traitement distribué, des
jeux aux agents intelligents.....
- dans le domaine des télécommunications, des réseaux
numériques aux téléconférences, des satellites
aux réseaux câblés, vers les autoroutes de l'information,
le Web, le commerce électronique, l’éducation à distance,
....
- dans le domaine des relations homme/information, du multimédia aux
icônes, des portables à la reconnaissance vocale......
....peu de technologies ont vu depuis des années un abaissement continu des coûts de l'ordre de 18%/an, ratio qui risque de continuer encore 15 ans !
Ces technologies "hardware" ouvrent le champ à des nouveaux domaines
"software", offrant des "solutions" à de multiples problèmes.....
Les opportunités offertes sont majeures :
- pour augmenter la productivité dans une stratégie de profitabilité
: dans une entreprise, où le tertiaire de communication explose (dématérialisation
des activités), les NTIC sont une prothèse indispensable pour
gérer la complexité
- pour gagner des batailles concurrentielles en offrant, grâce à
une informatique "stratégique" des services à valeur ajoutée
à ses clients et partenaires,
- pour diminuer les temps de réponse dans une stratégie d'intégration
- Par ailleurs, dans un monde où les produits de demain seront de
moins en moins "hardware" et de plus en plus "software", de moins en moins
d'atomes et de plus en plus de neurones, les technologies de l'information
jouent un rôle clé dans la conception même des produits
et services, amenant souvent l'entreprise à se lancer ainsi dans de
nouveaux métiers. les produits et services devront intégrer
en leur cœur de plus en plus d' "intelligence", de "neurones".....
- Quant à l'employé de demain, sa "mise en pouvoir" nécessitera
de plus en plus d'information......
- Si les stratégies de l'entreprise sont déterminées,
les NTIC seront un des leviers clé (avec l'organisation et les hommes)
pour passer aux actes...
- Dans d'autres cas, l'utilisation des NTIC changera fondamentalement les
stratégies de l'entreprise (Ex : Benneton, American Airlines, Walmart,...)
- Enfin, dans certains cas, l'utilisation avancée des NTIC pourra être
l'outil "tactique" pour faire changer organisation et facteur humain.....
Un examen systématique doit être fait de ces opportunités. La veille technologique dans le domaine des NTIC y aidera. Que de possibilités offertes par les NTIC en fidélisation client, en "glissements de métiers" (hier je transportais des marchandises, demain je transporte de l'information....), en avantage concurrentiel, échanges entre partenaires, synergies, nouveaux services à valeur ajoutée…
L'informatique devient "stratégique", non pas au sens traditionnel, mais au sens étymologique du terme, élément d'un véritable jeu de guerre... Créer un réseau avec ses clients, ses fournisseurs, leur offrir des services à valeur ajoutée créent une barrière d'entrée aux "nouveaux entrants" et aux "produits de substitution". Si, de plus, on élève cette barrière en injectant de la technologie, souvent informatique, dans cette relation client/fournisseur, et qu'on est le premier à le faire, on se génère un avantage significatif. Dès que l'entreprise s'est dotée d'un avantage concurrentiel basé sur les technologies, sa pensée la plus stratégique doit être alors vendre ce service à sa concurrence, pour éviter d'être imitée.
Tout ceci complique souvent la problématique de décision : Comment arbitrer entre deux projets, l'un rentable (x % de productivité), l'autre stratégique (verrou protégeant à terme y % de part de marché) ?
Nouvelles vagues
C'est une banalité de dire que l'entreprise est en pleine mutation. Les frontières disparaissent, les expertises et l'information se répandent largement, les distinctions entre grandes et petites organisations, entre marchés locaux et globalisés, hiérarchies et personnel s'amoindrissent. Nous sommes désormais dans un monde sans frontières et sans protections.
Rien ne sera plus pareil : La complexité des opérations augmente, il faut diminuer de façon cruciale les cycles de développement, tout en diminuant les coûts....
Les nouveaux facteurs de succès s'appellent temps de réponse et agilité......
L'entreprise vise bien évidement, comme elle l'a toujours fait, à améliorer sa productivité, condition clé de sa survie. Elle découvre ensuite qu'une des conditions clé de sa croissance est la satisfaction de son client, à travers une Qualité accrue : Qualité des produits et services dans un premier temps, puis satisfaction des besoins, voire anticipation des désirs......
L'historique de la Qualité en France n'est pas toujours très bon. Depuis plus de dix ans, combien de lancements de cercles de progrès, de qualité dans les entreprises, qui n'ont pas toujours donnés les résultats escomptés.....
Les raisons sont multiples : Manque d'implication de direction, manœuvres DRH de management participatif pas toujours relayés par les cadres, manque de "réconciliation" entre les réformes "top/down" et les innovations "bottom/up", ...etc...
Ceci n'empêche pas le problème de la Qualité Totale de rester central dans les préoccupations :
L'européanisation, la mondialisation des activités rends encore plus crucial le problème, et les entreprises, pour réussir, devront fiabiliser leur Qualité. Que se soit à travers ISO9000, les évaluations de type Malcom Balridge ou EFQM, peu de secteurs économiques y échapperont. Le tertiaire de communication, point central de l'entreprise, est souvent malheureusement négligé dans ces approches.....
Ceci, pour se développer pleinement, a besoin d'une dynamique Qualité au sens classique, avec ses cercles et ses groupes, car seul l'acteur de base est capable de trouver les innovations d'adaptation d'une organisation "semi-finie" dans un monde fluctuant. (Qualité phase 1)
Il faut ensuite focaliser l’énergie des acteurs sur les finalités cruciales de l’entreprise. L’approche par les processus est l’instrument. Les processus "transverses", sont particulièrement concernés, leur simplification, leur "mise sous contrôle" indispensable. (Qualité phase 2)
Puis il faut souvent retourner l'entreprise au service du client, au-delà du discours toujours facile. C’est l'enjeu principal des nouveaux mouvements Qualité (phase 3), particulièrement dans les environnements où les entreprises, fières de leurs produits et services "push", devront faire l'apprentissage de la modestie des approches "pull".........
L'entreprise doit s'inventer, en fonction de sa culture et de son système de management, sa façon de réconcilier ses grandes manœuvres de transformation, descendantes, avec le nécessaire appel avec l'innovation, montante, des acteurs de base.....
Cohérence stratégique, zoom
Le concept de cohérence stratégique, co-développé
par Henderson, Venkatraman du MIT et IBM Consulting Group, regarde l'entreprise
sous quatre angles fondamentaux :
- Les Stratégies : quels couples produits/marché, quelles stratégies
(coûts, niches, différenciation,...), quelles alliances et partenariats,
....
- L’Organisation : Mise en œuvre des stratégies sous l'angle des systèmes,
des activités, sous l'angle des structures, sous l'angle des hommes,
des savoir-faire, .....
- Les Technologies possibles, et en particulier les Technologies de l'Information,
avec leur état des lieux, leur futur, ce que l'on peut en tirer, ainsi
que la stratégie d'acquisition et d'utilisation.....
- Les Projets, internes ou externes, qu'ils soient organisationnels, technologiques
ou humains
L'entreprise "idéale" doit mettre en cohérence, aligner ces quatre volets : mettre en cohérence son "organisation'" avec ses stratégies, utiliser au mieux les technologies, prioriser ses mises en œuvre technologiques sur ses priorités stratégiques et organisationnelles, modifier éventuellement ses stratégies à la lumière des technologies émergentes, .....
Aucune entreprise dans le monde n'est parfaitement "alignée", d'autant plus que le modèle est nécessairement dynamique, l'évolution des stratégies ne se faisant pas à la même vitesse que celle des technologies, de l'évolution des structures, des transformations d'activité, d'évolution des compétences, de la mise en œuvre des projets......
La cohérence dynamique est un objectif permanent des organisations. Les aspects organisationnels, humains, technologiques sont imbriqués.....
La cohérence dynamique, zoom.....
Les 4 éléments, stratégies, technologies, organisation, projets peuvent être regardés 2 à 2 :
Stratégies et technologies sont au même niveau
de réflexion :
- Que se passe-t-il ? Quel est le "terrain de jeu " ? où
?
- Quelle est ma stratégie sur ce terrain, à
quels jeux puis-je jouer ? Quoi ?
- Comment faire ? Quelles alliances ? Comment ?
Organisation et projets également :
- Quels sont les processus, les activités clé
?
- Quelles structures, "organisation" mettre en place ?
- Quel rôle, quelle mutation pour le levier humain,
quelles formations, quelles compétences ?
Promenade stratégique simplifiée…
Les Stratégies de l'entreprise, sont soit déjà déterminées et figées, soit en cours d'évolution, en fonction des glissements de métiers issus des technologies...
L'entreprise, au sein de ses réflexions stratégiques, se doit bien sur, d'assurer la cohérence entre son "terrain de jeu", ses couples produit/marché, ses positionnements et ses tactiques de pénétration......
Captiver ses clients (heureux et captifs... )
L'analyse concurrentielle, l'étude des stratégies de coûts,
de différenciation, de niches, dans le cadre de "5 forces de compétitivité"
de M.Porter oblige à une réflexion:
Dans un monde où chacun est menacé par de nouveaux entrants
que l'on ne voit pas venir (comme la banque américaine n'a pas vu venir
la grande distribution dans la carte de crédit...), et les produits
et services de substitution (clones, produits génériques, ...)
la règle commune est de tenter d'élever les barrières
d'entrée en offrant à ses clients et partenaires
1) Un service à valeur ajouté (souvent "immatériel")
2) Verrouillé par une technologie émergente (qui sera souvent
de "traitement de l'information".....)
De nombreux exemples existent de la réussite de cette "informatique stratégique", domaine qui n'est pas réservé à la grande entreprise.......
L'organisation, zoom
Processus, activités, éléments de la "chaîne de valeur", sous-systèmes, tous ces mots désignent le même genre d'élément, les actions, les "verbes" de l'entreprise.
les processus...
Savoir quels sont les processus "prioritaires", ceux qui ont le plus puissant
effet de levier sur la réussite des stratégies, ceux qui sont
les plus importants pour les clients, ceux où les concurrents sont
les meilleurs est la priorité N°1 dès que l'on s'intéresse
à l'organisation.
Une fois ces processus identifiés (et ce sont souvent les plus "inter
fonctionnels" qui apparaissent comme prioritaires), il faut les faire passer
au filtre de l'analyse de la valeur, de la simplification,... détecter
si des améliorations "incrémentales" suffisent ou s'il faut
profondément le transformer...
En effet, après avoir évalué leur importance, leur effet
bras de levier sur la réussite du mix des stratégies, il faut
s'interroger sur leur performance. Que ce soit à travers des "benchmarks"
réels où par une appréciation, il est bon de savoir,
processus par processus, dans le métier de l'entreprise ou dans d'autres
métiers, quelle est la distance de performance par rapport à
la concurrence. Les critères habituels sont autour du coût du
processus, de sa vitesse, de son niveau de qualité, de la satisfaction
client..... Si la distance n'est pas trop grande, on peut en général
utiliser des techniques incrémentales (kaisen, informatisation, simplification,
....). Mais si la distance est trop grande il faudra soit sous traiter ce
processus aux professionnels de la chose, soit rentrer soi-même dans
le peloton des meilleurs du monde, en provoquant les ruptures indispensables.
C'est le champ de la re-ingéniérie......
et les structures......
Missions, objectifs, géographie, marchés, la mise en place des priorités dans les structures est un problème clé. Comment faire des plans d'opération, donner des objectifs dans un système de coopération "horizontal" ? Faut-il changer les structures ou changer leur mission ? Quelle taille optimale pour les "centres de profit" ? Comment, dynamiquement, aligner les structures sur les priorités de processus ? Des approches modernes comme ABC (Activity Based Costing) et ABM permettent de croiser les structures et les processus, et donnent des outils de décision indispensables en dynamique de changement.
et les hommes.....
Mise en pouvoir, leadership, coopération, engagement, culture... rien ne se fera sans les acteurs. Dans le prototypage des mises en place, c'est sans doute la cohérence dynamique de ce facteur qui conditionnera tout le reste
Les projets, zoom
Les projets, quant à eux, se doivent d'être dynamiquement alignée
avec les priorités stratégiques, de l'organisation, et l'état
de l'art technologique....
La mise en œuvre des projets n'est pas un phénomène simple,
et l'historique n'est pas toujours excellent. Les raisons en sont nombreuses,
dont beaucoup viennent de difficultés de cohérence avec les
stratégies, les processus, les structures, les hommes, les technologies,
.....
- Suis-je sûr que mon schéma directeur reflète bien les
priorités stratégiques (croissance, vitesse, profit, hommes,
qualité, ...) de l'entreprise ?
- Mes investissements prioritaires sont-ils fait pour servir mes processus
prioritaires ?
- Mes informations, mes données sont-elles bien la "traduction" des
stratégies que je poursuis ?
- Quel arbitrage entre les projets de rentabilité et les projets "stratégique"
?
- Quelles techniques pour le développement, pour le management et
la gestion de projets ?
Les voies de la cohérence
La cohérence dynamique vise à aligner tous les éléments,
mais la démarche initiale peut prendre des perspectives diverses......
En fonction de la "sensibilité" de l'entreprise, de ses degrés
de liberté, on peut, les stratégies étant établies
privilégier l'approche par les organisations ou par les technologies
Dans le cas d'approche par les organisations, il s'agit de rechercher
les processus clés, d'adapter les structures et le système de
management, puis d'aligner sur ces mutations les projets, processus, infrastructures
informatiques. On est alors au cœur des techniques de transformation, de
re-ingéniérie des processus transverses... .
On peut avoir le cas d'utilisation de la technologie comme bras de levier
prioritaire. Par exemple le groupe Mornay décida de baser sa stratégie
sur le traitement de l'image, vers une assurance sans papier. Ceci implique,
après le choix technologique, des réformes majeures de l'informatique.
Dans le cas d'implémentation technologique, il s'agit d'utiliser
rapidement une nouvelle technologie, en adaptant les organisations à
cette mise en œuvre. L'émergence d'une technologie (ex : terminal
portable, ...) peut amener à ces décisions d'implémentation
rapide.
C'est le cas d'utilisation stratégique des technologies, où
les NTIC peuvent impacter les produits et services ou influencer fortement
la stratégie (différenciation). Les cas sont nombreux de réussite
de ce type d'approche, du type Baxter Healthcare (American Hospital), offrant
un service à valeur ajoutée marquant à ses clients et
ensuite restructurant profondément ses processus internes....
Vers la "mass-customization", le sur mesure de masse.....
Une des grandes mutations est l'évolution de la demande du marché de "sur-mesure", qu'il faut produire de façon massive : c'est ainsi la fin des procédés figés et des longs cycles de production. L'intégration "horizontale" des actes de conception, de production, de commercialisation est inéluctable.....
Développé par Boyton et Pine II, le modèle envisage deux
axes, l'un externe à l'entreprise (demande de vitesse dans le renouvellement
des produits et des services), l'autre interne (adaptabilité, souplesse
des processus, procédures, procédés, ...)
Historiquement l'entreprise invente un produit. C'est en général
un produit nouveau, avec un processus nouveau, brillant, différencié,
mais peut-être coûteux. Très vite l'entreprise tente de
l'industrialiser, en diminuant sa "variété" et en stabilisant
les processus de production. On passe alors du mode invention au mode
production de masse.
On est alors dans l'ancien paradigme de M.Porter où il s'agit de choisir
clairement, pour une gamme de produit/services entre une stratégie
de coût (production de masse) ou de différenciation (invention).
Or désormais, le marché n'est plus là.......
Ce que réclame le client, c'est un produit/service peu coûteux,
de haute qualité, très différencié et le tout
très vite...... C'est le sur mesure de masse
Tout prouve que l'on ne peut passer directement du mode production de masse
(processus trop rigides) ou du mode invention (processus trop peu industriels)
au mode sur mesure de masse. Il faut transiter vers une phase d'amélioration
continue et/ou de transformation(suivant la distance à
parcourir), améliorant ou reconcevant les processus pour les rendre
aptes au niveau de sur mesure de masse poursuivi.
En synthèse, à terme, les processus ressembleront à des
pièces de jeu de Lego, interconnectables, ré-utilisables, non
complets (ouvrant le champ des adaptations dynamiques aux besoins clients),
un peu comme aujourd'hui les pièces constituantes d'une automobile......
Passer de l'ère de la Production de Masse à l'ère de
"Sur-mesure" de Masse implique ainsi une profonde transformation des processus
de l'entreprise. Ceci implique, pour réussir, de se consacrer complètement
à la re-ingenierie des processus clés de l'entreprise, ce qui
impliquera de réorienter la culture de tous les employés, de
la culture du "faire" vers celle du "penser"...
Cultures......
Ce ne sont pas les mêmes acteurs qui sont efficaces dans les quatre
quartiles : innovatifs transgressifs en Invention, bons soldats obéissants
en Production de Masse, coopératifs transverses en Amélioration
Continue, orientés clients et en réseau en Sur Mesure de Masse...
L'université Carnegie Mellon a développé un modèle
constitué de 15 critères, significatifs de la "culture" des
acteurs dans une organisation. Sans viser à une culture monolithique,
il est fondamental pour l'entreprise de rechercher une cohérence minimale
entre ces critères et le style d'entreprise visé et d'anticiper
les facteurs clés de blocage face au changement. En effet des études
sur la re-ingéniérie des entreprises ont montré largement
que les échecs venaient à plus de 70% du "facteur humain".......
Les deux champs d'investissement cruciaux des prochaines années seront
donc les processus et les hommes.....
Réseaux informels, contre cultures.....
En environnement suffisamment certain, les entreprises sont amenées à déployer leur stratégie ("hoshin"). Mais en environnement incertain, elles sont amenées à prototyper, à fonctionner par essai/erreurs, certaines cultures "minoritaires" peuvent alors devenir "majoritaires". Trouver le bon cocktail entre le déploiement top-down" et les innovations "bottom-up" devient alors le génie propre de l'organisation.
La connaissance des "réseaux informels", leur entretien, la capitalisation sur leurs savoirs devient alors un enjeu clé......
Un modèle mental n’a de sens que s’il peut être associé
à une méthode d’action.
Celles-ci